Après plus d'un an de discussions, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), dont l'Autorité des marchés financiers (AMF) au Québec, sont finalement parvenues à un projet de réglementation plus sévère des offres publiques d'achat (OPA) qui ciblent des entreprises canadiennes.

>>> Consultez le document des ACVM sur le projet de règlement

Ce projet commun annoncé jeudi par les ACVM, et qui sera soumis à des consultations au cours des prochains mois, s'avère en partie inspiré des propositions énoncées à ce sujet par l'AMF l'an dernier.

Le régulateur québécois avait proposé un renforcement du cadre réglementaire des OPA après que des entreprises québécoises d'importance, comme la minière Osisko et le quincailler Rona, eurent été mises en péril ces dernières années par des offres considérées contraires à leurs priorités d'affaires du moment.

Au terme de leur bagarre respective, Osisko a perdu l'an dernier son principal actif, la mine d'or Malartic au Québec, alors que Rona a été poussée en profonde restructuration depuis deux ans.

Ces situations ont aussi interpellé tout le Québec inc. en Bourse parce qu'elles révélaient la vulnérabilité aux OPA chez plusieurs de ses entreprises-phares qui n'ont pas d'actionnaire de contrôle déterminant.

Nouvelle réglementation

Ainsi, on retrouve dans le projet commun des ACVM l'allongement jusqu'à 120 jours de la période minimale allouée à une entreprise ciblée par une OPA afin qu'elle puisse trouver d'autres solutions, notamment des offres concurrentes et plus amicales.

Dans son projet réglementaire de l'an dernier, l'AMF avait proposé de plus que doubler - de 35 à 90 jours - le délai minimal de réponse et d'offres concurrentes alloué aux entreprises ciblées par une OPA.

Les ACVM ont convenu d'aller encore plus loin, jusqu'à 120 jours, ce qui serait 4 fois plus long que ce que prévoit la réglementation actuelle touchant les entreprises québécoises.

Pour le président des ACVM, Bill Rice, aussi PDG de l'Alberta Securities Commission, le projet commun vise à «accorder plus de temps aux conseils d'administration des émetteurs visés (les entreprises) pour réagir aux OPA hostiles tout en donnant aux actionnaires une plus grande latitude pour prendre des décisions informées et concertées en réponse à des offres».

«C'est un pas dans la bonne direction que de donner plus de temps aux conseils d'administration pour traiter une OPA hostile», a commenté Yvan Allaire, directeur de l'Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques (IGOPP) et un analyste aguerri de l'administration des entreprises à capital ouvert en Bourse.

Par ailleurs, le projet commun des ACVM prévoit l'obligation pour les instigateurs d'une OPA d'obtenir le dépôt d'au moins 50 % des actions de l'entreprise ciblée, en excluant celles qu'ils détenaient déjà, pour que l'offre soit autorisée à poursuivre son cours.

Et au-delà de cette première condition, les ACVM veulent instaurer un délai d'au moins 10 jours à l'égard des actionnaires restants, afin qu'ils puissent décider de déposer ou non leurs actions à la suite de l'OPA.

Un tel délai additionnel pourrait leur éviter de se retrouver ensuite confinés au statut de petits actionnaires minoritaires dans l'entreprise ciblée par l'OPA, après son changement de contrôle.

Consensus

Pour la suite de ce projet réglementaire, les ACVM prévoient le soumettre à des consultations au début de l'an prochain dans les milieux d'affaires de leur juridiction respective, dans les dix provinces et les trois territoires.

Mais d'emblée, jeudi, le président des ACVM, Bill Rice, a souligné l'atteinte d'un «consensus pancanadien» afin d'implanter un «régime harmonisé des OPA».

Ce commentaire visait aussi à prévenir les critiques récurrentes dans le milieu boursier envers la trop grande disparité réglementaire qui, à leur avis, persiste entre les provinces.

Pour Yvan Allaire, le projet réglementaire commun des ACVM en matière d'OPA représente «un compromis honorable» du point de vue de l'AMF au Québec et de ses objectifs déjà énoncés.

«Étant donné le refus de la CVMO [Commission des valeurs mobilières de l'Ontario] et des autres commissions à ses propositions, l'AMF ne pouvait faire cavalier seul en ce domaine», selon M. Allaire.