L'Agence du revenu du Canada (ARC) a les fumeurs amérindiens dans sa ligne de mire. Mais au lieu de cogner à leur porte, le fisc cible plutôt les entreprises qui leur livrent des cigarettes afin de récupérer la taxe de vente.

Depuis un an, au moins cinq distributeurs qui approvisionnent plusieurs réserves amérindiennes ontariennes ont fait l'objet d'audits spéciaux. Le fisc leur réclame presque 70 millions de dollars, sans compter les intérêts. «Tout le monde était un peu abasourdi», avoue Marc Fortin qui agit à titre de lobbyiste pour les distributeurs.

M. Fortin affirme que les distributeurs ont respecté toutes les règles de l'ARC. Lorsqu'ils livrent des produits sur les réserves autochtones, les distributeurs ne doivent pas percevoir les taxes de vente, peu importe le produit, qu'il s'agisse de chocolat, de savon ou de cigarettes.

Malgré tout, l'ARC réclame la TVH aux distributeurs pour les années 2010 à 2012. Dans un cas, l'agence a confirmé par écrit que le distributeur avait respecté l'ensemble des exigences documentaires pour que ses ventes soient exemptes de taxes.

Pourtant, le fisc estime que la taxe doit s'appliquer quand même en se fondant sur plusieurs présomptions qui n'ont aucun fondement, ni dans la loi ni dans les politiques administratives. «Le fisc dit qu'il s'agit d'une combine parce que les quantités vendues sont trop élevées pour la consommation normale», expose Étienne Gadbois, avocat spécialisé en taxes à la consommation au cabinet De Grandpré Chait.

Le hic, c'est que la loi ne prévoit aucune limite quant au nombre de cigarettes qui peuvent être distribuées sur une réserve.

De surcroît, depuis des années, le gouvernement sait exactement ce qui est vendu, à qui, quand et où, explique M. Fortin. «Il n'y a pas de cachette nulle part, surtout après l'histoire de la contrebande des années 90: il y a des systèmes qui ont été mis en place», dit-il.

Ainsi, le gouvernement reçoit toute l'information sur les livraisons de tabac sur les réserves puisque l'industrie doit remettre des rapports mensuels aux gouvernements provinciaux et un rapport annuel au gouvernement fédéral.

Au Québec, le fisc n'a pas mené d'offensive semblable. Mais Revenu Québec a mis en place plusieurs mesures de contrôle visant la fabrication, la distribution, la vente et la consommation des produits du tabac. C'est ainsi que les revenus perçus provenant de l'impôt sur le tabac ont augmenté de 370 millions depuis 2008-2009.