Plusieurs organismes caritatifs à vocation internationale joignent leurs forces pour contester l'intérêt de plus en plus marqué de l'Agence du revenu du Canada envers le secteur, affirmant que les nombreuses demandes onéreuses drainent des ressources qui sont nécessaires à l'étranger.

Une dizaine de groupes se sont réunis, la semaine dernière, pour discuter d'une stratégie à présenter aux responsables de l'agence le mois prochain, un renversement de situation comparativement aux deux dernières années, alors que plusieurs organismes évitaient plutôt de faire des vagues, de peur d'aggraver l'humeur des fonctionnaires.

Cette nouvelle démarche est appuyée par le Conseil canadien pour la coopération internationale, qui représente quelque 70 groupes transférant des dons monétaires à l'étranger pour lutter contre la pauvreté et défendre les droits de la personne.

Le geste est une réaction tardive à une série d'audits portant sur l'activisme politique ordonnée par le gouvernement Harper en 2012, mais qui commence à peine à toucher le secteur de l'aide caritative internationale, après que plusieurs groupes écologistes eurent été frappés de plein fouet au cours de la première étape des vérifications.

La dizaine d'organismes communautaires, dont plusieurs font justement l'objet d'une vérification, se sont entendus par conférence téléphonique pour dépêcher une délégation pour rencontrer d'importants responsables de Revenu Canada. Ils ont établi une courte liste de dossiers urgents, qui est actuellement révisée par les avocats du Conseil.

L'Agence de revenu du Canada dispose d'une équipe de 15 vérificateurs pour examiner les démarches politiques des organismes sélectionnés. Quelque 52 vérifications sont en cours ou sont terminées, et huit autres doivent être entamées d'ici 2016, en s'appuyant sur un fonds spécial de 13,4 millions $.

«La situation est négative, et cela est très inquiétant, affirme Julia Sanchez, directrice exécutive du Conseil. La plus importante crainte que nous avons eue depuis longtemps, et qui se poursuit toujours, est la remise en question implicite de la capacité de la société civile de faire valoir des points de vue et d'accomplir du travail politique. C'est une énorme inquiétude pour nous.»

Un organisme caritatif peut consacrer jusqu'à 10% de ses ressources à des fins politiques, bien que non partisanes, mais les définitions sont vagues et ouvertes à interprétation. La première vague d'audits - ciblant des organismes environnementaux - a fait suite à des commentaires de ministres haut placés, qui ont qualifié le secteur de «radical» et ont lancé des accusations de blanchiment d'argent, particulièrement au sein des organismes contestant les priorités gouvernementales en matière d'énergie et d'oléoducs.

Selon la ministre du Revenu Kerry-Lynne Findlay, aucune directive n'est donnée à Revenu Canada, et l'agence est maintenue à distance du politique en ce qui concerne les organismes devant faire l'objet d'une vérification; la démarche actuelle ne servirait qu'à favoriser l'imputabilité, dit-elle.

Mme Sanchez mentionne que le Conseil espère tenir une première rencontre avec Revenu Canada le mois prochain, afin de présenter une liste de pierres d'achoppement et «rebâtir notre relation avec eux».