ANALYSE - On s'est ébaudi mercredi à la publication des chiffres sur la croissance printanière américaine et sur les révisions positives apportées aux trois trimestres précédents.

Enfin, cette lente et inégale reprise s'accélère et promet quelques trimestres de vive expansion.

Sans qu'il y ait matière à plastronner, la situation est loin d'être vilaine de ce côté-ci de la frontière. Jeudi, Statistique Canada annonçait que le produit intérieur brut (PIB) réel avait progressé de 0,4 % en mai. Cela laisse présager que la croissance annualisée du deuxième trimestre a avancé de 2,5 % environ.

Certes, c'est moins que les 4 % américains selon l'estimation préliminaire du département du Commerce.

Se limiter à ce chiffre, c'est faire fi toutefois de la décroissance de 2,1 % aux États-Unis durant l'hiver, alors que l'économie canadienne est parvenue à avancer de 1,2 %.

Au final, l'expansion canadienne aura avoisiné les 2 % en rythme annuel en première moitié d'année, comparativement à moins de 1 % pour l'américaine.

Répétons-le, il n'y a pas de quoi plastronner. Le marché du travail canadien toussote depuis un an alors qu'il carbure à pleins tubes chez nos voisins. Nos exportations et notre production en usines n'ont pas retrouvé leurs niveaux d'avant la récession. Ce sont choses faites chez nos voisins.

Les faiblesses du secteur manufacturier et des exportations paraissent cependant en voie de se résorber. La production en usines a bondi de huit dixièmes en mai. Elle progresse de 2,9 % depuis un an, soit davantage que les 2,3 % de l'économie dans son ensemble.

Viendront aussi aider les exportations, l'extraction minière, l'exploitation en carrière et l'extraction d'hydrocarbures, en hausse ensemble de sept dixièmes en mai et de 9,6 % en un an.

Néanmoins, la Banque du Canada juge toujours que tarde le redressement des livraisons internationales. Voilà pourquoi elle souligne que l'expansion canadienne reste modeste et doit pouvoir compter sur les exportations plutôt que sur la consommation pour assurer son avenir.

Cela amène bon nombre de spéculateurs à parier sur le fait que la Réserve fédérale (Fed) pourrait hausser son taux directeur avant la Banque du Canada.

La dissidence de Charles Plosser mercredi à la déclaration des autorités monétaires américaines voulant que le taux directeur reste à son creux historique même après l'atteinte prochaine des cibles de chômage et d'inflation les convainc du bien-fondé de leur gageure.

Le dollar américain se renforce donc face aux autres monnaies alors que le huard faiblit.

En juillet, ce dernier accuse un recul de 2,14 % par rapport à la clôture de juin face au billet vert, après une longue remontée qui l'avait fait passer de 88,94 cents US le 20 mars à 93,99 cents le 3 juillet. Hier, malgré les bonnes données sur le produit intérieur brut (PIB), il a cédé encore deux centièmes pour terminer le mois, à 91,71 cents US.

Le pari sur la plus grande imminence d'un relèvement du taux directeur par la Fed ne doit pas surprendre. Elle a une plus longue pente à remonter.

La fourchette de 0,0 à 0,25 % d'évolution de son taux directeur est en place depuis décembre 2008. La Fed complète en plus une troisième ronde de détente quantitative qui devrait prendre fin l'automne prochain.

À l'opposé, le taux directeur de la Banque du Canada a augmenté à trois reprises depuis qu'il avait été abaissé à 0,25 % en 2009. Il est fixé à 1 % depuis septembre 2010.

Cela dit, notre dollar pourrait faiblir encore quelque peu, si le rythme de l'expansion canadienne s'éloigne trop de celui de l'américaine.

Ce n'est pas acquis.

En outre, les finances publiques canadiennes sont en meilleur état que les américaines, ce qui rend attrayante la dette canadienne toujours notée triple A par toutes les agences de crédit. Finalement, plus la santé de l'économie mondiale ira s'améliorant, plus les prix des biens de base s'affermiront, ce qui, en principe, soutiendra la valeur du dollar canadien.

Entre-temps, les perspectives de croissance de l'économie canadienne restent bonnes. Elles seront meilleures encore si le marché du travail sort enfin de sa léthargie.