Les clauses favorisant les achats aux États-Unis sont de retour, et le gouvernement canadien fait connaître sa frustration.

Ottawa a organisé une intervention, cette semaine, à propos de nouvelles allégations de protectionnisme de la part de Washington, alors que des responsables fédéraux ont fourni une nouvelle liste de doléances lors d'une rencontre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Le gouvernement fait maintenant connaître sa frustration en public à propos de mesures commerciales américaines qui ont peu attiré l'attention jusqu'à maintenant.

Dans un communiqué publié vendredi, le ministre du Commerce international, Ed Fast, a déclaré que le Canada s'inquiétait fortement de la récente législation américaine qui reflète, selon lui, des tentatives répétées d'imposer des obligations de contenu national pour des produits achetés par divers paliers de gouvernement aux États-Unis. Selon M. Fast, le Canada vise à éliminer ces barrières commerciales, et non pas d'en ériger de nouvelles.

Le protectionnisme avait pourtant perdu de son côté irritant pour les deux pays voisins au cours des dernières années. Le controversé dossier de l'oléoduc Keystone XL est devenu le point de friction entre Ottawa et Washington, et ce, depuis qu'une entente sur les approvisionnements a été conclue en 2010, venant alléger les tensions sur des clauses sur l'approvisionnement américain dans un projet de loi visant à stimuler l'économie au pays de l'Oncle Sam. Ottawa a toutefois de nouvelles inquiétudes.

Le gouvernement du Canada invoque entre autres une importante loi sur les infrastructures reliées à l'eau, récemment adoptée par le Congrès; un projet de loi sur le transport présenté par l'administration Obama; plusieurs lois et projets de loi étatiques, ainsi qu'un plan visant à faire augmenter les frais d'inspection à la frontière pour les produits agricoles.

Ces sujets ont été abordés lors d'une rencontre de l'OMC, mercredi à Genève.

Des responsables fédéraux ont ainsi identifié plusieurs dossiers :

- Le Water Resources Reform and Development Act, évalué à plusieurs milliards de dollars et signé ce mois-ci par le président Obama. La section 608 de cette loi sur les infrastructures stipule que, pour avoir droit à l'un des programmes de financement, tous les produits de fer et d'acier utilisés dans un projet doivent être fabriqués aux États-Unis.

- Le nouveau Grow America Act, une loi proposée par l'administration Obama, qui pourrait être rejetée par le Congrès. Le projet de loi est une tentative du gouvernement d'éviter une crise future : la fin du financement pour les autoroutes américaines. Le plan finance également le transport collectif, et une clause stipule que pour obtenir du financement, les véhicules doivent être fabriqués avec des composantes américaines. Le pourcentage de contenu américain nécessaire augmenterait chaque année, de 60 % l'an prochain à 100 % d'ici 2019.

- Un plan de l'administration consistant à accroître les frais d'inspection pour les biens agricoles entrant aux États-Unis. Ottawa estime que ce geste ferait augmenter à 8 $ US le coût d'inspection d'un conteneur à la frontière, une hausse de 2,75 $ US. La mesure pourrait, affirme-t-on, coûter 15,5 millions $ US en nouveaux frais à l'industrie du camionnage.

- Des lois étatiques des derniers mois, adoptées au Minnesota et faisant l'objet d'études au Massachusetts et dans l'État de New York. Le projet de loi du Massachusetts porte sur les approvisionnements en général, tandis que les autres touchent spécifiquement l'acier.

«Ces initiatives étatiques soulèvent plusieurs inquiétudes systémiques au Canada», mentionne un document fédéral présenté lors d'une rencontre de l'OMC. «Bien que plusieurs de ces initiatives puissent ne pas être adoptées, la menace récurrente de nouvelles obligations forcées en matière de localisation décourage les fournisseurs étrangers d'investir le temps et l'énergie pour développer de nouvelles opportunités sur les marchés d'approvisionnement étrangers.

«Cette incertitude a le potentiel de saper l'accès aux marchés.»

Une plainte concernant du présumé protectionnisme ayant circulé depuis des années implique la loi sur l'étiquetage de l'origine des viandes, qui a entraîné une dispute en cour, ainsi qu'une contestation, devant l'OMC, par le Canada et le Mexique.

Les Américains ont eux aussi matière à se plaindre lorsqu'il est question d'échanges commerciaux. Les compagnies pharmaceutiques américaines, par exemple, accusent les systèmes politique et juridique canadiens de laxisme lorsqu'il est question de faire respecter les brevets sur les médicaments.