Le Canada se tire mieux d'affaire que bien d'autres économies avancées, mais il peut faire mieux, surtout dans la gestion de ses ressources non renouvelables et des revenus qu'il en tire.

En plus de provoquer des disparités régionales marquées, les recettes venant de l'exploitation des richesses naturelles «sont affectées pour l'essentiel à des programmes publics en cours au lieu d'être épargnées pour les générations futures», lit-on dans l'étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) consacrée au Canada et rendue publique hier dans le cadre de la 20e Conférence de Montréal. Pareil rapport paraît tous les quatre ans.

L'organisme installé à Paris suggère de s'inspirer de la Norvège qui place ses revenus énergétiques dans un fonds investi à l'étranger, ce qui évite d'apprécier sa monnaie et de nuire à d'autres secteurs de son économie.

Bien des économistes canadiens jugent que l'appréciation du dollar canadien, qui a résulté de l'augmentation des cours des matières premières en général et de l'exploitation intensive des sables bitumineux en particulier, affaiblit le secteur manufacturier concentré en Ontario et au Québec en augmentant ses coûts unitaires de main-d'oeuvre exprimés en dollars américains.

L'OCDE adhère à cette thèse.

Le Canada se dirige vers une croissance économique enviable de 2,5% cette année et de 2,7% l'an prochain, soit deux dixièmes de plus que le scénario de la Banque du Canada.

L'OCDE lui adresse néanmoins des critiques sur la gestion de l'environnement. «La durabilité environnementale et la réalisation des objectifs internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre restent problématiques», note l'organisme. Il souligne au passage que les sociétés minières n'ont pas respecté les réglementations sur le traitement des déchets.

L'OCDE recommande l'utilisation accrue d'instruments économiques pour tarifer les émissions de carbone. «La fiscalité énergétique est relativement faible au Canada et de fait, le carbone y est taxé à l'un des taux les plus bas de la zone OCDE [34 pays].»

Le hic, c'est que les deux pays membres qui taxent moins que le Canada sont les États-Unis et le Mexique, respectivement premier client du Canada et deuxième fournisseur en hydrocarbures de la première économie du monde après le Canada.

L'OCDE note aussi que les inquiétudes suscitées par les atteintes à l'environnement freinent la construction de pipelines pour accéder aux marchés américain et asiatique. Son secrétaire général José Ángel Gurría ajoute même: «En l'absence de réglementation, on ne peut pas demander aux sociétés d'investir. Elles jugeront qu'il manque une pièce au puzzle.»

L'OCDE souligne aussi que le poids des recettes fiscales engendrées par les forces de la mondialisation crée des tensions au sein des provinces auxquelles Ottawa pourrait remédier en partie.

La péréquation ne compense qu'en partie les disparités de capacité fiscale. L'OCDE reprend à son compte une suggestion faite par le Québec il y a déjà quelques années: «Les droits aux transferts entre le gouvernement fédéral et les provinces devraient notamment être déterminés en fonction des différences de dépenses entre les provinces résultant des variations de la part des personnes âgées dans la population.»

L'OCDE prévient d'ailleurs que «la montée des coûts des soins de santé constitue la principale menace pour la viabilité budgétaire des provinces».

Le Québec, tout comme les provinces atlantiques, subit un vieillissement de sa population plus rapide que la Saskatchewan ou l'Alberta, qui profitent de migrations interprovinciales pour remplir leurs besoins en main-d'oeuvre.

L'OCDE juge d'ailleurs que le Canada doit continuer à favoriser la mobilité de ses travailleurs par la création d'un barème pancanadien de reconnaissance des compétences professionnelles et par une refonte de l'assurance-emploi qui stimule la formation ou le recyclage.

Ces réserves faites, l'organisme considère que le Canada se porte plutôt bien dans son ensemble, ses finances publiques et son système de retraite, capitalisé en bonne partie, faisant envie.

Comme la Banque du Canada, l'OCDE note que les entreprises tardent à investir, bien que seuls les États-Unis fassent un peu mieux en la matière.

Elle suggère enfin de transférer au secteur privé l'assurance des prêts hypothécaires et de limiter la garantie de l'État aux pertes catastrophiques.

C'est un peu s'inspirer du concept de l'assurance-dépôts.

Dans l'ensemble, l'OCDE salue la solidité de l'économie canadienne mais, selon les termes mêmes de M. Gurría, lui «trace les perspectives d'une croissance plus forte, plus équitable et plus verte».

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE