Dans l'exploitation de son potentiel énergétique, le Canada doit tenir compte de tous les coûts pour en établir le juste prix.

«La gestion des déchets, l'utilisation de l'eau, le transport public avec ses bouchons et ses accidents mortels, tout cela doit être intégré aux coûts», insiste la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde.

En entrevue à La Presse dans le cadre de la XXe Conférence de Montréal, Mme Lagarde n'a pas voulu critiquer directement le Canada dont l'exploitation des sables bitumineux est l'objet de critiques. «Le Canada peut être exemplaire à cet égard, suggère-t-elle cependant. À mesure qu'il développe son modèle, il peut l'améliorer.»

«Tout finit par avoir un prix», rappelle-t-elle, et tout doit être pris en compte dans le retour sur l'investissement, y compris les effets collatéraux.

Devant les participants à la Conférence, elle n'a pas écarté une forme de taxe sur le carbone quand la suggestion lui a été faite par John Micklethwait, l'éditeur de la revue The Economist qui l'interviewait. C'est une façon d'augmenter l'assiette fiscale afin de partager la richesse créée par l'exploitation énergétique et un moyen de tenir compte des externalités liées à cette même exploitation.

Elle venait de rappeler que le FMI croit au potentiel d'un développement des infrastructures pipelinières pour livrer des hydrocarbures canadiens à l'Europe et surtout à l'Asie.

Une croissance de 2%

Le FMI calcule que cela permettrait d'augmenter de 2% la taille de l'économie canadienne sur un horizon de 10 ans. «Bien sûr, nous devons veiller à ce que pareille exploitation ne se fasse pas au détriment de l'environnement», insiste-t-elle.

Ce faisant, Mme Lagarde se faisait un peu l'écho du ministre des Finances canadien, Joe Oliver, qui s'était adressé à la Conférence plus tôt en matinée et qui n'a pas assisté à la présentation de Mme Lagarde.

«Ceux qui pensent que les énergies de remplacement peuvent éliminer les énergies fossiles ne comprennent pas la réalité», a-t-il martelé avant de s'envoler pour New York. D'ici 2035, les énergies fossiles représenteront 70% de la consommation d'énergie.

Le FMI estime que le développement énergétique favorisera une mobilité de la main-d'oeuvre et attirera les meilleurs talents. En retour, la richesse créée doit fournir du travail dans les régions non énergétiques.

Faisant le tour d'horizon de la situation économique mondiale, Christine Lagarde a souligné que bien du travail avait été réalisé depuis l'éclatement de la crise. Deux dangers guettent le monde cependant: se reposer sur ses lauriers et céder à la fatigue.

Le premier danger guette en particulier le Canada qui doit parvenir à relancer ses exportations et l'investissement privé.

La fatigue guette les pays plus touchés par la Grande Récession qui peinent à ressentir les effets des sacrifices consentis, compte tenu du chômage persistant des jeunes et du poids encore très lourd de l'endettement public.

Les défis de son arrivée

Mme Lagarde, qui s'est vu attribuer un doctorat honoris causa par l'Université de Montréal, a aussi confié à La Presse le défi posé par son arrivée imprévue à la tête du FMI.

La démission dramatique de son prédécesseur, Dominique Strauss-Kahn, avait créé une commotion à l'institution de Washington qui cherchait à résoudre la crise qui menaçait la zone euro d'éclatement.

«Ç'a été difficile d'être acceptée à la fois parce que j'étais une femme et parce que je n'étais pas économiste», a raconté l'avocate de formation, dont les expériences dans le secteur privé et dans la vie politique ont été fructueuses.

Son style de travail en équipe lui aura permis d'innover et de prendre le taureau par les cornes au prix «de longues réunions» qui se terminaient tard en soirée.

À la blague, elle a noté que sa jeunesse de nageuse de ballet aquatique l'aura bien servie: «Avoir du souffle et nager entre deux eaux n'est pas totalement inutile.»