Quel pays du G7 a remporté la médaille d'or de la croissance en 2013? Petit indice, il est très fort au hockey olympique.

L'expansion de l'économie canadienne a été la plus rapide, tant au quatrième trimestre que pour l'ensemble de 2013.

Les comptes nationaux publiés hier par Statistique Canada font état d'une poussée réelle annualisée de 2,9%, au quatrième trimestre, devançant d'un dixième celle du Royaume-Uni. D'abord estimée à 3,2% par le Bureau of Economic Analysis, celle des États-Unis a été ramenée à 2,4%, hier, ce qui a fait reculer l'estimation de la croissance de la première économie du monde à 1,9% pour 2013. Contre toute attente, celle du Canada la devance à 2,0% grâce à de solides révisions de l'expansion des premier et deuxième trimestres que Statistique Canada avait jusque là jaugées plus faiblement. En 2012, l'expansion avait été contenue à 1,7%.

C'est le deuxième trimestre d'affilée où la taille réelle de l'économie canadienne grossit de plus de 2,5%. Durant l'été, elle avait gonflé de 2,7%. Beaucoup d'observateurs s'attendent à ce que la Banque du Canada adopte un ton un peu moins pessimiste que dernièrement, quand elle annoncera la reconduction à 1% de son taux directeur, mercredi.

Un peu, mais pas beaucoup.

Quand on gratte cette belle dorure, toutefois, apparaissent quelques faiblesses qui se manifesteront à coup sûr dans les résultats du trimestre en cours. Les prévisionnistes parient d'ailleurs que le rythme d'expansion ralentit cet hiver à un rythme annualisé sous la barre des 2%. Le scénario de la Banque, mis à jour en janvier, tablait plutôt sur un rythme d'expansion de 2,5% pendant quatre trimestres d'affilée, à partir de l'automne.

Deux facteurs expliquent la perte de vitesse en cours.

D'abord, la météo hostile qui s'est installée dès décembre. Les déluges de pluie verglaçante qui ont privé les Torontois d'électricité durant le temps des Fêtes ainsi que les abondantes chutes de neige ailleurs au pays ont fait reculer la production de biens et de services de 0,5% en fin d'année. Il s'agit du repli mensuel le plus élevé depuis la récession. Bref, le trimestre a commencé avec du rattrapage à faire.

Presque toutes les industries ont baissé de régime, en décembre, la construction et la fabrication reculant toutes deux d'au moins 1%.

Ensuite, on observe que la moitié de l'expansion automnale est attribuable au gonflement de 15 milliards de dollars des stocks qu'il faudra bien écouler en partie avant de stimuler la production.

Cela dit, le ralentissement en cours devrait prendre fin avec le retour prochain d'un temps plus clément et l'accélération de la croissance américaine apte à stimuler les exportations canadiennes. Mince consolation, le froid polaire qui sévit aussi chez nos voisins aura sans doute stimulé les exportations canadiennes d'énergie, dont celles d'Hydro-Québec.

Dernière préoccupation enfin, les entreprises hésitent toujours à investir. Durant l'automne, la formation brute de capital fixe, qui agrège les dépenses en construction non résidentielle et les achats de matériel et d'outillage, a reculé de 3,4% en rythme annuel.

En revanche, la Banque pourra tirer une certaine satisfaction de la légère contribution à la croissance du commerce extérieur, tant au quatrième trimestre que pour l'ensemble de 2013, une première en plus d'une décennie.

À part l'accumulation de stocks, l'autre pilier de l'expansion a encore été la consommation des ménages. Par bonheur, celle-ci ne s'est pas appuyée sur le crédit, mais sur une augmentation du revenu disponible qui a compensé une certaine détérioration des termes de l'échange. Le taux d'épargne des ménages atteint même 5,0%, un sommet de plusieurs années. La faiblesse des taux d'intérêt y est pour beaucoup. Le ratio du service de la dette des ménages sur leur revenu disponible a à nouveau reculé l'an dernier. À 7,12%, il atteint un creux historique.

Exprimée en dollars courants, la taille de l'économie a grossi de 3,4%, ce qui est moins que le rythme annuel de 4,2% observé durant l'été. La valeur annualisée des biens et services produits au Canada au quatrième trimestre se chiffre à 1904 milliards, soit quelque 67 milliards de plus qu'un an plus tôt.

Ce qu'ils en pensent

«Les résultats des comptes économiques sont assez bons. Non seulement la croissance a frôlé la barre des 3% au quatrième trimestre, mais les données du premier et du deuxième trimestre ont été révisées à la hausse. Ainsi, la progression du PIB [produit intérieur brut] réel passe de 2,3% à 2,9% pour le premier trimestre et de 1,6% à 2,2% pour le deuxième.»

- Benoit P. Durocher, Desjardins, études économiques

«La mauvaise nouvelle, c'est que les investissements dans les stocks [à un sommet depuis six ans] se sont accélérés un deuxième trimestre de suite et que les ventes finales réelles, de nouveau, n'ont contribué que pour 1,5% à la croissance.»

- Krishen Rangasamy et Matthieu Arseneau, Banque Nationale, économie et stratégie

«À la marge, ces meilleurs résultats diminuent davantage l'écart de production que ne l'avait estimé la Banque du Canada et réduisent encore plus la possibilité [déjà faible] d'une baisse du taux directeur. Toutefois, ces résultats ne devancent pas non plus l'échéance d'une éventuelle hausse de taux, puisque les perspectives de croissance restent trop assombries par le départ chaotique de 2014 des deux côtés de la frontière.»

- Douglas Porter, BMO Marchés des capitaux

«S'il ressort des indications récentes que la croissance pourrait ralentir en 2014, les statistiques des derniers mois ont mis en évidence une hausse inattendue de l'inflation. Par conséquent, la banque centrale pourrait devoir réviser à la hausse ses projections d'inflation à court terme. La perspective d'un ralentissement en 2014 et la hausse de l'inflation devraient inciter la banque centrale à maintenir le statu quo à sa réunion sur la politique monétaire mercredi.»

- Paul Ferley, RBC, recherches économiques