Malgré ses difficultés récentes, le secteur manufacturier canadien a de l'avenir, à condition de se réinventer et de pallier dans les meilleurs délais la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée qui ira grandissant.

Telles sont les deux idées-forces qui ressortent du symposium sur l'avenir du secteur manufacturier canadien organisé par l'Académie canadienne du génie (ACG).

«La croissance de l'économie mondiale sera plus rapide au cours des 20 prochaines années qu'elle ne l'a été au cours des 20 dernières, a affirmé Pierre Cléroux, économiste en chef à la Banque de développement du Canada. Cela va gonfler la classe moyenne, consommatrice de biens fabriqués, de plus d'un milliard de personnes d'ici la fin de la décennie.»

Le secteur manufacturier représente 16% du produit intérieur (PIB) mondial, mais 70% des échanges commerciaux internationaux.

Petit acteur à l'échelle mondiale, le Canada parvient tout de même à bien tirer son épingle du jeu. Sa production représente 2,4% du PIB mondial, mais sa valeur ajoutée atteint 2,7%, chiffre qui pourrait s'élever encore à condition de se tourner davantage vers les économies émergentes.

Benoît Grenier, associé chez Mercer, consultation en ressources humaines, a souligné que le secteur manufacturier s'est transformé en peu d'années, au point où l'on retrouve en usines beaucoup plus de matière grise que de sueur.

Le défi des entreprises, c'est de recruter cette matière grise: ingénieurs, machinistes, programmeurs ou autres électromécaniciens. Or, le travail en usine souffre d'un problème d'image chez les jeunes. Les métiers spécialisés n'attirent guère les étudiants au cégep ou dans les écoles spécialisées supérieures.

«Ils ne savent pas que la demande est grandissante pour ces emplois bien payés. Leurs parents ne les encouragent pas à embrasser une carrière dans un métier spécialisé, et les conseillers en orientation ne les aiguillent pas dans cette voie qu'ils ne connaissent pas», déplore Benoît Grenier.

Par le passé, le Canada a compté sur l'immigration pour combler ces postes. Désormais, ce ne sera plus possible car toutes les économies avancées vont se concurrencer pour recruter de telles compétences.

Or, beaucoup d'ouvriers spécialisés sont à quelques années de la retraite. On peine déjà à remplacer ceux qui commencent à quitter leur emploi.

Les entreprises ont mal planifié leurs besoins de ressources, soutient M. Grenier. Elles devraient se rapprocher davantage des institutions d'enseignement et des gouvernements pour mieux arrimer leurs besoins à l'offre de formation. D'ici la fin de la décennie, le Canada aura besoin de près de 100 000 ingénieurs. D'où proviendront-ils?

D'autres intervenants ont souligné l'erreur commise par trop de grandes entreprises qui ont choisi de délocaliser leur production pour réduire leurs coûts.

Cela tient à une mauvaise compréhension de ce qu'est une usine ou un atelier de fabrication. Ce n'est pas un centre de production de savoir, un vivier d'innovation.

Il ne s'agit plus de concentrer le design près des centres de décision, mais aussi de fabrication. D'où la décision de firmes comme Apple ou Mega Bloks de rapatrier des emplois délocalisés il y a quelques années à peine.

Simon Olivier, vice-président au développement des activités commerciales et d'affaires chez GE Canada, a pour sa part évoqué la nouvelle révolution en cours, celle de l'internet industriel qui permet d'organiser la production en systèmes intégrés de logiciels et d'équipement de pointe qui vont dégager des gains de productivité encore insoupçonnés.