Il y avait bien quelques fleurs pour charmer le milieu de l'innovation dans le dernier budget fédéral. Mais c'est finalement le coup de marteau asséné au Fonds de solidarité FTQ et au Fondaction CSN qui a retenu l'attention au Québec.    

Dans un communiqué qui ne fait aucune mention des autres mesures du budget, Réseau Capital, le regroupement du capital de risque québécois, a déploré que le fédéral abolisse graduellement le crédit d'impôt de 15% accordé aux Canadiens qui investissent dans les fonds de travailleurs. Cette mesure touche essentiellement le Québec, où se trouvent les deux plus grands fonds du genre au pays : le Fonds de solidarité FTQ et le Fondaction CSN.

« Avec les fonds de travailleurs et les fonds privés, on a atteint un bel équilibre au Québec. La province domine l'industrie du capital de risque au Canada, je ne comprends pas qu'on vienne briser cet équilibre », a dit Jack Chardirdjian, PDG de Réseau capital.

L'association a rappelé que les deux fonds de travailleurs sont parmi les rares au Québec à investir dans des secteurs risqués comme les biotechnologies, les technologies propres ou les technologies de l'information.

Jacques Bernier, un ancien du Fonds de solidarité FTQ, est aujourd'hui président de Teralys, un réservoir de capital de risque dans lequel le Fonds est commanditaire. Il se dit « attristé » du budget fédéral.

« On pénalise les joueurs qui sont allés sur le terrain pour faire le travail, et qui l'ont bien fait », déplore-t-il.

En entrevue à La Presse Affaires, Gaétan Morin, premier vice-président aux investissements au Fonds de solidarité, a promis de se battre pour faire changer la décision du fédéral. En retirant le bonbon fiscal aux Canadiens qui investissent dans les fonds de travailleurs, M. Morin croit qu'Ottawa freinera l'épargne des particuliers en plus de priver les entreprises d'une source de capital.

« C'est une grande préoccupation, parce que ces fonds investissent dans nos entreprises», dit aussi Denis Leclerc, président d'Écotech Québec - la grappe des technologies propres de la province.

Jean-Louis Legault, PDG de l'Association pour le développement de la recherche et de l'innovation du Québec, dit aussi craindre un « effet secondaire négatif pour les entreprises ».

Albert de Luca, expert en innovation chez Deloitte Canada, doute par ailleurs que l'injection des 400 millions en capital de risque annoncée l'an dernier par Ottawa compense le mal fait aux fonds de travailleurs.

« On nous présente ça comme des vases communicants. Mais entre un programme qui a fait ses preuves et un autre qui ne les a pas faites, moi, je prends le premier », dit-il.

Maxime Godin, directeur, conseil, stratégie et performance, chez Raymond Chabot Grant Thornton, parle quant à lui d'un impact « à court terme », mais dont « il ne faut pas exagérer l'impact ».

« Il va falloir que les entreprises québécoises regardent du côté des programmes fédéraux, parce que l'argent, maintenant, il est là », observe l'expert.

L'investissement additionnel de 125 millions dans Génome Canada et les 60 millions débloqués pour les accélérateurs et incubateurs d'entreprises ont été nettement mieux accueillis. Écotech Québec se réjouit de voir le fédéral assurer la pérennité du programme fédéral Technologies du développement durable Canada en y investissant 325 millions en 8 ans.

« En général, les orientations du budget sont bonnes, mais les montants débloqués sont insuffisants », résume Albert de Luca, de Deloitte.

Quelques mesures liées à l'innovation du budget fédéral :

> Abolition du crédit d'impôt pour les Canadiens qui investissent dans les fonds de travailleurs.

> 165 millions d'argent frais à Génome Canada pour lancer des concours de recherche.

> 325 millions sur huit ans au programme Technologies du développement durable Canada.

> 60 millions sur cinq ans pour les accélérateurs et incubateurs d'entreprises.

> 20 millions à l'Agence de revenu du Canada pour améliorer le programme de crédits d'impôt à la recherche.