Les consommateurs canadiens paieront des centaines de millions de dollars de plus sur des biens de consommation courante allant des aliments aux bicyclettes, à cause d'une modification aux tarifs douaniers sur les importations de pays émergents tels la Chine et l'Inde, affirment des analystes.

Le changement, passé un peu inaperçu dans le budget fédéral de jeudi, stipule qu'à partir de 2015, le gouvernement fédéral fera passer 72 pays - dont la Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie et l'Indonésie - d'une catégorie de tarifs douaniers pour les pays les plus pauvres à celle pour les pays développés.

La mesure est en quelque sorte une réplique à l'élimination, hautement publicisée par Ottawa, des tarifs douaniers sur les importations de vêtements pour bébé et d'équipement de sport. Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a dit espérer que cela contribuerait à réduire l'écart des prix entre le Canada et les États-Unis.

Mais le changement dans la classification des pays émergents pour les tarifs douaniers, qui augmenteront alors d'environ trois pour cent, éclipsera toute baisse de prix que les Canadiens pourraient constater grâce à l'élimination de tarifs sur certains articles pour bébé et de sport.

Cette élimination de tarifs s'appliquera à 37 produits importés, tandis que l'augmentation fera monter les prix de plus de 1000 produits,  selon Mike Moffatt, professeur à l'école de gestion Richard Ivey de l'université Western Ontario.

Résultat: les consommateurs canadiens paieront probablement plus cher pour plusieurs produits, dont certains aliments importés.

Par exemple, le tarif douanier pour les bicyclettes passera de 8,5 à 13,0 pour cent; celui sur les stores vénitiens de 3,0 à 7,0 pour cent, sur les ventilateurs de table de 2,5 à 8,0 pour cent; sur les parapluies de 5,0 à 7,0 pour cent, et de 5,0 à 10,5 pour cent sur la fécule de pommes de terre.

Selon les prévisions du gouvernement, l'élimination des tarifs douaniers sur l'équipement sportif et les vêtements pour enfants lui coûtera environ 76 millions $ par année, mais il tirera 333 millions $ de plus avec l'élimination de la liste des pays privilégiés.

«C'est comme s'ils nous donnaient un dollar pour en reprendre cinq», a déploré M. Moffatt.

L'économiste principal de la Banque de Montréal Doug Porter, qui se penche souvent sur la question des écarts de prix entre le Canada et les États-Unis, a indiqué que ces changements pourraient en fait accroître les différences plutôt que les réduire.

Dans le budget Flaherty, le gouvernement a expliqué qu'il apportait des changements sur la façon dont les pays sont classifiés afin de mieux refléter la nouvelle réalité économique mondiale.

Si les exportations d'un pays représentent un pour cent ou plus des exportations mondiales pendant deux années consécutives, ou si le pays est classifié comme étant un pays à revenu élevé ou à revenu intermédiaire, selon les critères de la Banque mondiale, il changera de catégorie.

«Nous avons choisi quelques produits dans le but de voir l'effet de cette mesure sur les prix à la consommation», a expliqué le ministre Flaherty vendredi, à Vancouver. Selon lui, il n'est plus raisonnable de laisser certains pays riches dans la liste des pays qui bénéficient d'un traitement préférentiel, une liste qui n'a pas été mise à jour depuis 1974.

Mais la nouvelle classification donnera des groupes hétéroclites: Hong Kong, Israël et la Corée du Sud passent à la catégorie de pays développés, tout comme la Jamaïque, la République dominicaine, l'Inde, l'Iran, la Jordanie, Cuba, le Venezuela et le Kazakhstan.

Selon M. Moffatt, certains des changements sont logiques, comme le fait de traiter le Japon et la Corée du Sud de la même façon. «Mais lorsqu'il s'agit de pays comme le Kazakhstan, la Jamaïque et même l'Inde, ils sont en voie de développement, mais il est un peu inhabituel de dire qu'ils sont complètement développés», a-t-il noté.

Des économistes croient qu'Ottawa pourrait ainsi vouloir combattre ce que le Canada et d'autres pays développés décrivent comme un avantage commercial qu'obtiennent les pays à devise à parité fixe, qui peuvent ajuster leur taux de change pour faire gonfler leurs exportations.

M. Moffatt a ajouté que les tarifs plus élevés pourraient aussi donner un atout au Canada dans ses négociations avec les pays asiatiques pour le Partenariat transpacifique en vue de conclure un accord de libre-échange, ainsi qu'avec la Chine pour de futures négociations bilatérales.

Les changements n'affecteront pas une centaine de pays qui sont classifiés comme étant les moins développés.

Le budget indique également qu'Ottawa changera les règles d'origine pour que les textiles et les vêtements importés des pays les plus pauvres ne soient pas affectés même s'ils utilisent des matériaux provenant de pays qui ont été changés de catégorie.