L'heure est encore et toujours à l'austérité à Ottawa, et les milieux d'affaires du Québec l'ont bien compris. Et ils n'ont rien contre. Parce qu'ils se rangent unanimement derrière l'objectif prioritaire du gouvernement Harper d'éliminer le déficit, leurs attentes au sujet du budget d'aujourd'hui sont assez limitées.

Conseil du patronat

Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat, appuie fortement l'objectif du gouvernement Harper d'éliminer le déficit. «Pas pour des raisons idéologiques, précise-t-il, mais sans une situation financière saine, on ne pourra pas passer à travers les défis qui nous attendent.» Celui qui représente les patrons des plus grandes entreprises québécoises est aussi d'accord avec Ottawa que l'argent consacré à la formation de la main-d'oeuvre ne donne pas suffisamment de résultats. Il souhaite vivement que le programme fédéral pour les infrastructures - un excellent programme, dit-il - soit reconduit avec, pourquoi pas, un coup d'accélérateur pour des projets majeurs comme la reconstruction du pont Champlain.

Yves-Thomas Dorval s'inquiète toutefois de l'impact de la réforme de l'assurance-emploi. «Si on ne fait pas attention, certains secteurs seront en péril, dit-il. Il faudrait avoir le temps de changer les modèles d'affaires qui se sont développés en tenant compte des programmes d'assurance-emploi».

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante

Toutes les entreprises voudraient voir baisser leurs impôts, dit Martine Hébert, vice-présidente pour le Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), qui reconnaît du même souffle que le contexte actuel ne s'y prête pas. «La priorité est d'éliminer le déficit et on est d'accord avec ça», dit-elle. Les propriétaires des petites entreprises que représente Mme Hébert seront donc satisfaites si le budget d'aujourd'hui n'augmente pas leur fardeau fiscal, notamment les taxes sur la masse salariale. Un gouvernement qui veut rationaliser ses dépenses ne peut pas passer à côté des régimes de retraite du secteur public, souligne Martine Hébert. «Ce sont les contribuables qui assument 65% du coût de ces régimes, rappelle-t-elle. Beaucoup de ceux qui paient pour la retraite des employés fédéraux n'ont même pas de régime de retraite. La FCEI estime donc que le système de retraite du secteur public est inabordable et peu viable dans sa forme actuelle. En dépit de l'austérité qui prévaut à Ottawa, Martine Hébert souhaite que le ministre des Finances se décide enfin à augmenter le niveau de gain en capital exonéré d'impôt. «Ce seuil n'a pas bougé depuis 2007», dit Mme Hébert, qui rappelle que cette mesure assure une retraite aux petits entrepreneurs.

Manufacturiers et exportateurs du Québec

Le secteur manufacturier devrait être l'objet d'une attention particulière du gouvernement et la rumeur veut qu'un chapitre complet du budget d'aujourd'hui y soit consacré. Voilà de quoi réjouir les Manufacturiers et exportateurs du Québec. Son président, Simon Prévost, préfère attendre de voir avant d'applaudir. Il espère toutefois que le ministre des Finances accordera encore aux manufacturiers l'amortissement accéléré de leurs investissements en machinerie et équipement. «On aimerait pouvoir compter là-dessus pour au moins trois ans parce que l'important pour quelqu'un qui investit, c'est la prévisibilité», explique-t-il. Les manufacturiers québécois voient aussi d'un bon oeil l'intention d'Ottawa d'obtenir plus de résultats dans le secteur de la formation de la main-d'oeuvre, où il dépense 2,5 milliards. La formation de la main-d'oeuvre et la réforme de l'assurance-emploi, qui vise à mieux apparier l'offre et la demande d'emplois, sont des enjeux majeurs pour les manufacturiers, souligne Simon Prévost. «Les pénuries de main-d'oeuvre, ça nous touche au premier chef», dit-il. L'autre espoir des manufacturiers, c'est que le gouvernement revienne sur sa décision de restreindre l'application du crédit d'impôt à la recherche-développement.

Union des municipalités du Québec

L'obsession des conservateurs à retrouver l'équilibre budgétaire angoisse un peu le président de l'Union des municipalités du Québec, Bernard Généreux. «Je crains que ça se fasse au détriment de l'investissement dans les infrastructures», explique-t-il. Le prolongement du programme fédéral d'infrastructures, qui arrive à échéance à la fin de 2013, est «la plus grande attente du monde municipal», ajoute-t-il. Bernard Généreux rappelle qu'il y a des travaux totalisant 34 milliards à faire au Québec pour remettre les infrastructures à niveau. «On a besoin d'avoir une perspective à long terme, un signal sur 10 ans.» La réforme de l'assurance-emploi est un autre sujet d'inquiétude majeur pour les municipalités. Bernard Généreux souhaite qu'Ottawa suspense l'application des changements pour donner aux régions concernées le temps de s'ajuster. «Il y a des changements à faire, je n'ai pas de problème avec ça, mais dire aux chômeurs, va travailler dans l'Ouest, ça ne suffit pas.»