Pour son huitième budget qu'il présentera jeudi, le ministre des Finances, Jim Flaherty, devra montrer qu'il est loyal à son chef Stephen Harper en maintenant le cap sur le retour à l'équilibre budgétaire dans deux ans, sans compromettre les chances de réélection des conservateurs.

En annonçant jeudi (hier) qu'il présentera le 21 mars le Plan d'action économique 2013, le grand argentier canadien entend assurer le «rétablissement de l'équilibre budgétaire d'ici 2015».

Il revient ainsi à son scénario d'il y a un an, pourtant remis en question dans la Mise à jour économique et fiscale du 13 novembre. Elle faisait plutôt état d'un retour à l'équilibre un an plus tard, en 2016-2017, soit après les prochaines élections fédérales.

M. Harper avait alors grondé son ministre des Finances.

M. Flaherty s'était pourtant laissé guider par la prudence, compte tenu du net ralentissement de l'expansion de l'économie canadienne. Durant l'été et l'automne, la croissance réelle a été contenue à 0,7% et 0,6% en rythme annuel, alors que le ministre avait misé sur 2% pour 2012 dans son budget de mars.

C'est néanmoins surtout la décélération de l'augmentation du produit intérieur brut (PIB) nominal, une mesure plus pratique de la variation de l'assiette fiscale, qui l'inquiétait.

Résultat: pour 2012-2013, le manque à gagner passait à 26 milliards (au lieu de 21,1 milliards). Pour 2013-2014, il était projeté à 16,5 milliards au lieu de 10,2 milliards.

Le surplus de 3,4 milliards de 2015-2016 était transformé en un déficit de 1,8 milliard.

Évidemment, Ottawa s'est pourvu d'un coussin de 3 milliards pour imprévus. Cela rend techniquement possible le retour à l'équilibre dès 2015-2016.

Le hic, c'est que la réduction du déficit d'ici là sera beaucoup plus difficile que prévu.

Hier, le ministre s'est engagé à ne pas sabrer davantage dans les transferts aux provinces ni dans ses dépenses de programmes tels le Supplément de revenu garanti ou la Sécurité de la vieillesse.

C'est ailleurs qu'il devra utiliser le couperet.

L'endroit qui ferait le moins mal serait sans doute la Défense, même si le gouvernement Harper a jusqu'ici montré pas mal de détermination à acquérir les trop coûteux avions de combat F-35 ou à renouveler une partie de la flotte de la Marine royale à des coûts qui deviennent plus exorbitants tous les jours.

Bien sûr, Ottawa pourra compter sur un service de la dette moins élevé, en raison de ses faibles coûts d'emprunt. L'arrivée à terme des quelque 40 milliards d'obligations pour garantir des prêts hypothécaires détenus par les banques canadiennes, émises dans la foulée de la crise financière de 2008, aura même pour effet de diminuer quelque peu la taille de la dette ou, à tout le moins, de ralentir sa croissance.

C'est toutefois du côté des revenus que le manque à gagner risque de faire mal. L'écart de prix entre le pétrole canadien Western Canada Select et le West Texas Intermediate américain lamine les profits des pétrolières canadiennes et, par conséquent, l'impôt sur le revenu des sociétés. La rentabilité des banques canadiennes ne peut combler tout l'écart.

Depuis le 13 novembre, les économistes canadiens ont réduit leurs prévisions de la croissance réelle canadienne en 2013, bien qu'ils restent encore assez près de leur pronostic pour 2014.

De 2%, ils sont désormais plus près de 1,5%, comme Desjardins, qui a ramené sa prévision hier. Ils ont aussi réduit leur variation du PIB nominal: de 4,0%, ils la placent désormais de 3,0% à 3,5%.

M. Flaherty devra donc miser sur une croissance de l'emploi, alors que les entreprises doivent doubler d'efforts pour augmenter leur productivité, ou sur la consommation, alors qu'il déplore le surendettement des ménages.

C'est un gros pari!