Si le dollar canadien a reculé hier pour une cinquième journée d'affilée, c'est que les mauvaises nouvelles économiques s'accumulent tandis que les perspectives s'assombrissent.

L'expansion canadienne a perdu tout élan. La publication des données sur les ventes des détaillants en décembre, ce matin, viendra s'ajouter aux résultats négatifs de celles des grossistes et des manufacturiers parus ces jours derniers. En décembre, le produit intérieur brut a, au mieux, fait du surplace.

En janvier, on sait déjà que le marché du travail s'est contracté tandis que les mises en chantier ont chuté. On va aussi apprendre ce matin que la désinflation se poursuit. Pour un troisième mois d'affilée, le taux annuel d'inflation était vraisemblablement inférieur à 1 %, le mois dernier. Le coût de la vie augmente moins vite que celui des États-Unis.

Cet écart amène un nombre grandissant d'observateurs à se demander s'il ne faudrait pas commencer à penser que la Réserve fédérale américaine puisse freiner sa politique monétaire extrêmement accommodante avant que la Banque du Canada ose reprendre la normalisation de son taux directeur, fixé à 1 % depuis septembre 2010. C'est sans parler de ceux qui osent parier sur une éventuelle baisse, en dépit de la volonté contraire des autorités monétaires canadiennes.

La publication mercredi après-midi des minutes de la réunion des 29 et 30 janvier du Comité de politique monétaire de la Fed a révélé l'existence de beaucoup d'inquiétudes en son sein. Le crédit trop facile, allèguent certains, pourrait amener l'adoption de comportements susceptibles de compromettre à terme la stabilité financière. D'autres membres se soucient de la Fed elle-même: à trop détenir des obligations à long terme du Trésor, il y a risque de lourdes pertes dans la perspective d'un retour à des taux d'intérêt obligataires plus près des moyennes historiques.

Bref, ceux qui s'imaginaient que la troisième ronde de détente quantitative allait s'étendre au moins toute l'année commencent à en douter. La Fed pourrait très bien diminuer progressivement le montant de ses achats d'obligations à long terme et de créances adossées à des prêts hypothécaires. Depuis le début de l'année, le rythme est de 85 milliards par mois.

Tout cela mine l'attrait du dollar canadien.

Mais il y a plus.

Il n'y a pas si longtemps, on vantait le carré d'as que détenait le Canada. Il peut exporter à la fois du charbon, du gaz naturel, du pétrole et de l'électricité. Il possède toujours ces atouts, mais les possibilités de les mettre en valeur paraissent de plus en plus limitées.

L'an dernier, la production de pétrole américaine a augmenté de 790 000 barils par jour, selon les données de l'Energy Information Administration des États-Unis, citées par la Banque Nationale. Il s'agit de la poussée la plus forte depuis 1859. On s'attend à une pareille hausse aussi cette année. À ce rythme, les États-Unis deviendront exportateur net dans moins de 20 ans.

L'augmentation de la production de gaz naturel y est tout aussi spectaculaire. Les producteurs et distributeurs d'électricité le substituent au charbon, augmentent leur production, et limitent leurs importations de houille blanche.

Tout cela détériore les finances publiques canadiennes, qui faisaient envie jusqu'ici. Cela souligne surtout «la nécessité pour le Canada d'ajuster rapidement sa stratégie énergétique», note Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale.