Le statu quo prolongé annoncé mercredi par la Banque du Canada a entraîné le huard sous la parité avec le billet vert, pour la première fois depuis le 16 novembre.

Il a terminé la journée de jeudi à 99,71 cents US, en baisse de 39 centièmes. La veille, il avait perdu près de deux tiers de cent après que la Banque eut précisé que la nécessité d'une hausse de taux était «moins imminente».

Cet ajustement de change reflète les amendements de plusieurs investisseurs à leur portefeuille. Ils misaient encore sur une hausse du taux directeur en fin d'année. La majorité des prévisionnistes s'attendent désormais à ce que le taux directeur de 1%, en place depuis septembre 2010 ne bouge pas d'ici au moins un an.

Ceux qui, à l'instar des exportateurs, souhaitent que notre monnaie se rapproche de sa valeur fondamentale, qui serait plus près des 95 cents d'équivalence, devront en revanche continuer de patienter, à moins que ne persiste la léthargie que traverse l'économie canadienne.

«L'essentiel n'a pas changé, insiste Frédéric Mayrand, premier vice-président, taux d'intérêt et changes, chez BNP Paribas Canada. Il y a passablement d'optimisme sur les marchés boursiers et c'est bon en général pour le dollar canadien.»

Comme pour lui donner raison, l'indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto a atteint hier un niveau qu'on n'avait pas vu depuis 2011. Il est en hausse de 3,2% cette année. Le Standard&Poor's 500 a quant à lui franchi la barre des 1500 points en cours de séance pour la première fois depuis 2007, avant de se replier quelque peu.

Pour que le huard se déprécie sérieusement face au billet vert, il faudrait que soit satisfaite une des deux conditions suivantes, estime Douglas Porter, économiste en chef désigné chez BMO Marchés des capitaux: ou bien l'économie mondiale menace de faiblir dangereusement, ou bien, à l'opposé, la croissance américaine s'accélère de façon marquée.

Le premier scénario reprendrait ce à quoi nous avons assisté durant l'été et l'automne 2011: le débat au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette coïncidait avec l'exacerbation de la crise de la dette souveraine européenne qui avait entraîné la formation de gouvernements dirigés par des technocrates en Italie et en Grèce. De 1,06$ US, le 21 juillet, le huard avait dégringolé jusqu'à 94,8 cents US le 3 octobre.

Le deuxième scénario suppose un accord au Congrès américain sur le relèvement de la dette et des réductions budgétaires crédibles susceptibles d'attirer beaucoup d'investisseurs qui parquent leurs capitaux dans les marchés obligataires, dont celui du Canada.

«Ce serait alors une bonne chose pour le Canada», souligne M. Porter, car s'ensuivraient une appréciation des prix des biens de base et une demande accrue pour ce que nous exportons.

Il attribue une plus grande probabilité de matérialisation à ce scénario qu'au premier, bien qu'il mise avant tout sur une expansion américaine plus forte que la canadienne, sans plus.

Trois forces fondamentales nourrissent la vigueur relative de notre monnaie face à celle des États-Unis, selon la Banque du Canada.

Il y a avant tout l'affaiblissement du dollar américain face à la plupart des autres devises, grâce à l'activation de la planche à billets par la Réserve fédérale.

Viennent ensuite les prix des biens de base, en général, et du pétrole en particulier. Cet élément joue moins qu'il y a quelques années.

L'escompte entre le Western Canada Select que nous exportons par rapport au Brent de la mer du Nord que nous importons n'a jamais été aussi élevé que maintenant. Il atteint 50$ US par baril, ces jours-ci. Il était à peine de 10$ US, il y a trois ans.

Reste enfin l'attrait des étrangers pour la dette canadienne qu'ils ont achetée à hauteur de plus de 90 milliards en 2011 et en 2012.

«Les acheteurs sont surtout des banques centrales, du capital patient qui ne partira pas de sitôt», prévient M. Porter.