Une Montréalaise a déposé cette semaine une demande de recours collectif contre Bell, Telus et Rogers en raison de frais d'itinérance jugés «exorbitants». Si le juge se rend à ses arguments, les trois fournisseurs pourraient devoir payer des centaines de millions de dollars en dédommagement, estime son avocat.

Inga Sibiga, cliente de Fido (filiale de Rogers), a eu la mauvaise surprise de recevoir une facture de 251$ pour avoir utilisé 40,82 mégaoctets (Mo) de données sur son téléphone cellulaire pendant un voyage aux États-Unis en septembre dernier. Cette quantité de Mo équivaut à peu près au téléchargement de 10 chansons.

Des dizaines de milliers de Québécois ont vécu une situation similaire, fait valoir l'avocat Philippe Trudel, dont le cabinet a introduit la requête pour autoriser un recours collectif.

«Beaucoup de gens de retour de voyage vivent un choc en recevant des factures pouvant atteindre 500$ ou 600$, voire plus, pour avoir téléchargé seulement quelques documents», a-t-il souligné jeudi à La Presse Affaires.

Me Trudel et ses associés ont effectué une vaste recherche en vue de comparer les frais d'itinérance pratiqués par les fournisseurs canadiens avec ceux d'autres pays. Leur conclusion est tranchante: Bell, Telus et Rogers imposent des frais «complètement exorbitants».

Selon le document déposé à la Cour supérieure du Québec, les tarifs d'itinérance internationale pratiqués par Bell et Rogers étaient de 30,24$ le Mo en 2010. C'est presque le triple du tarif moyen de 10,56$ pratiqué dans les 34 pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

»Mauvaise foi»

Comment calculer les frais d'itinérance? D'après les avocats d'Inga Sibiga, ils devraient équivaloir à peu près aux coûts engrangés par le fournisseur canadien et par le fournisseur local qui «prête» son réseau, auxquels on ajoute certains coûts de facturation et d'intégration des réseaux.

Au Québec, Fido offre un gigaoctet (l'équivalent de 1024 Mo) pour 12,50$ et, en France, le groupe Orange facture 12,82$ pour la même somme de données. En ajoutant un «généreux» pourcentage de 20% pour la facturation, on arrive à un prix de 30,38$ le gigaoctet, indique la requête.

Or, en appliquant les prix facturés par Fido pour l'itinérance en France, un utilisateur devrait payer... 31 948$ pour un gigaoctet! Mille fois trop cher, en d'autres mots. «L'écart est tellement monumental que cela démontre que le défendeur a agi de mauvaise foi et profité des consommateurs», peut-on lire.

Selon l'avocat Philippe Trudel, il pourrait s'écouler jusqu'à un an avant que la Cour détermine si elle accepte la demande de recours collectif. Si la procédure va de l'avant et que la plaignante remporte sa cause, le tribunal pourra fixer un tarif acceptable pour l'itinérance, en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, estime-t-il.

Les fournisseurs pourraient être forcés de verser des «centaines de millions» en dédommagement à des dizaines de milliers de clients québécois, selon Me Trudel.

Qui plus est, des millions de Canadiens pourraient un jour profiter de cette décision, puisque les trois fournisseurs pourraient difficilement justifier d'avoir des tarifs beaucoup plus élevés dans le reste du pays qu'au Québec, croit l'avocat. Son cabinet (Trudel&Johnston) commence déjà à recueillir les noms de clients qui s'estiment lésés, même si le recours n'a pas encore été autorisé.

Bell a refusé de commenter cette requête, tandis que Rogers n'a pas rappelé La Presse Affaires au moment de mettre sous presse, hier. Telus a de son côté préféré analyser la requête avant de la commenter.