Le prochain gouverneur de la Banque d'Angleterre, le Canadien Mark Carney, est un ancien de Goldman Sachs, un fin connaisseur des marchés connu pour être partisan d'une plus grande régulation du système bancaire conjuguée à des taux directeurs peu élevés.

Sa nomination lundi à la tête de la Banque d'Angleterre, dont il prendra les rênes le 1er juillet, intervient un an après avoir été choisi par le G20 pour présider le Conseil de stabilité financière (FSB), une instance chargée de travailler à la régulation du secteur bancaire.

Au Canada, sa marque de commerce est désormais bien connue: privilégier la réglementation des secteurs bancaire et financier plutôt qu'augmenter les taux d'intérêt. «Il s'est toujours opposé à l'augmentation des taux pour lutter contre l'inflation», souligne Charles St-Arnaud, chef-économiste pour le Canada de la banque Nomura.

Avec ses deux casquettes, «il va pouvoir faire encore plus avancer» ses projets de réglementations, dit M. St-Arnaud, qui a eu Mark Carney comme patron à la Banque du Canada avant de prendre le chemin de Wall Street.

En particulier, ce grand brun au faciès carré rappelant le publicitaire Don Draper, personnage de la série américaine à succès Mad Men, devrait militer encore davantage pour exiger des banques qu'elles aient un plus grand ratio de fonds propres et ne comptent plus sur les gouvernements pour les renflouer en cas de crise.

Diplômé en économie de l'Université Harvard, titulaire d'un doctorat de celle d'Oxford sur «l'avantage dynamique de la concurrence», ce Canadien bilingue a travaillé dans les grandes capitales financières pour la banque d'affaires Goldman Sachs avant de rejoindre la fonction publique en 2003.

Né à Fort Smith dans les Territoires du Nord-Ouest, marié et père de quatre filles, Mark Carney a délaissé les millions de la finance pour un salaire de haut fonctionnaire, devenant sous-gouverneur de la banque centrale, puis vice-ministre des Finances du gouvernement fédéral.

«Belle reconnaissance» pour le Canada

En février 2008, à l'âge de 42 ans, il est nommé à la tête de la banque centrale canadienne, au moment où l'économie du voisin américain commence à sentir les effets de la crise des «subprimes», ces prêts hypothécaires à risque.

Il surprend en abaissant alors le taux directeur, avant d'être couvert de lauriers par la presse financière pour avoir permis au Canada de traverser la crise sans trop de dommages grâce à l'injection mesurée de liquidités dans l'économie.

«Mark a été un très bon gouverneur de la Banque du Canada», a loué le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty. «Son départ va se faire ressentir».

Sa nomination est une «belle reconnaissance de la bonne gestion des politiques monétaires et de régulation» du Canada, souligne pour sa part Avery Shenfeld, de la banque CIBC, tout en s'interrogeant sur le choix de M. Carney de ne pas s'attaquer à l'inflation depuis 2010.

En plus de son expérience des marchés et du système financier international, M. Carney apporte à Londres une manière de faire non conventionnelle: «Quand il a une question, il ne passe pas par la hiérarchie». Au contraire, raconte M. St-Arnaud, «il va se pointer directement dans le bureau de l'analyste qui a travaillé sur le sujet pour avoir les réponses».

Sans dévoiler ses intentions, le gouverneur a souligné lundi qu'il était «très important pour l'économie mondiale que le Royaume-Uni aille bien, qu'il parvienne à rééquilibrer son économie et que la réforme du système financier britannique soit menée à son terme».

Au niveau européen, son arrivée devrait faire grincer des dents, avertit Charles St-Arnaud: «il a toujours été contre une taxe sur les transactions financières et il faut s'attendre à des frictions» avec certains membres de l'Union européenne.