La multiplication des chantiers de tours à condos dans les grandes villes canadiennes reflète une surchauffe de cette industrie, affirme la Banque du Canada.

«Si la hausse des dépenses des ménages a été modérée ces derniers trimestres, elle a été soutenue de façon disproportionnée par les investissements dans le logement qui avoisinent des sommets historiques et montrent des signes de surconstruction», lit-on dans son Rapport sur la politique monétaire (RPM) publié hier matin.

La Banque observe que la consommation des ménages tout comme leur revenu disponible ont diminué, alors que les investissements dans la construction d'habitations familiales (lire condos plutôt que résidences pour personnes âgées) demeurent soutenus.

Et ce n'est plus qu'à Vancouver ou Toronto: on n'a qu'à regarder les grues dans le centre-ville de Montréal pour s'en convaincre.

«Dans ce contexte, le ratio de la dette au revenu des ménages a continué d'augmenter, et a atteint un niveau record au premier trimestre», lit-on aussi.

Voilà pourquoi les autorités monétaires estiment que la forte poussée des mises en chantier tire à sa fin, au point où le logement ne contribuera pas à la croissance en 2013 ni en 2014 alors que la consommation progressera d'à peine 1,1% et 1,2%.

L'expansion réelle de ces deux années, projetée à 2,3% et 2,5%, sera aussi assurée par les investissements des entreprises et par une modeste contribution des administrations publiques qui paraissent en avance sur les projections de la Banque dans le rétablissement de leurs finances. Il y aura aussi un modeste apport des exportations nettes, grâce avant tout à une décélération de la hausse des importations.

Pour l'année en cours, l'expansion est projetée à 2,1%. Le printemps aura connu la plus faible croissance, contenue à 1,8% en rythme annualisé, soit un dixième de moins que durant l'hiver.

Sans la surchauffe de la construction d'habitations, c'eût pu être plus faible encore. Le logement apporte cette année une contribution plus élevée que ce qui avait été envisagé en avril.

Le nombre des mises en chantier devrait heureusement diminuer, grâce au resserrement des conditions d'octroi et de garantie de prêts hypothécaires imposé par Ottawa.

La Banque les qualifie de «prudentes et opportunes» tout en les jugeant aptes à faire évoluer le marché du logement neuf de façon «plus soutenable».

Sans parler de bulle immobilière, les autorités monétaires préviennent néanmoins qu'«un brusque affaiblissement du secteur du logement au Canada pourrait avoir des répercussions notables sur d'autres secteurs de l'économie tout comme un recul prononcé des dépenses de consommation mû par le surendettement persistant des ménages.

Prévisions de croissance révisées

Prenant acte de la détérioration de l'économie mondiale, la Banque révise aussi à la baisse ses projections de croissance dans les économies émergentes, la zone euro (en récession jusqu'à la fin de l'année) et les États-Unis.

En ce qui concerne notre grand voisin, elle précise que son expansion sera contenue en deçà de 2% jusqu'au milieu de l'an prochain.

«Le freinage budgétaire se chiffrera à environ un point de pourcentage en 2012 et à 1,5 point en 2013 et 2014», présume le RPM. Si, toutefois, le Congrès ne parvenait pas à aplanir le mur budgétaire prévu dans la loi actuelle, cela pourrait retrancher jusqu'à 4 points à la croissance américaine l'an prochain.

Voilà pourquoi la Banque du Canada fait de cette éventualité un risque baissier pour l'économie qui, autrement, devrait profiter quelque peu de la lente relance du marché américain de l'habitation.

La contribution des exportations à l'expansion canadienne restera faible en raison de sa faible compétitivité, de la force relative de notre monnaie et de la gamme de produits que nous vendons à l'étranger. La Banque estime que notre part dans le marché mondial des exportations est passée d'un sommet de 4,5% en 2000 à 2,7% en 2010.

Le repli récent des prix du pétrole (sous les 90$US le baril selon les contrats à terme jusqu'en 2014), notre principale exportation, fait reculer la valeur du huard. Il devrait osciller autour des 98 cents US d'ici la fin de 2014, alors que la Banque projetait 101 cents US dans son scénario d'avril.

Cela entraîne un ralentissement de la croissance du revenu intérieur brut réel, une mesure commode du pouvoir d'achat. Cette année, la Banque l'estime à 1,6%, soit moins que l'expansion du produit intérieur brut (PIB) réel.

C'est un facteur de plus qui va ralentir la consommation des ménages ou augmenter leur endettement.