Pratt&Whitney Canada (P&WC) était obnubilée par les promesses du marché chinois des hélicoptères civils et en paie maintenant le prix.

Selon les autorités américaines, c'est la perspective de percer ce marché qui a amené le motoriste à fermer les yeux sur des indices de plus en plus gênants au sujet du caractère exclusivement militaire du projet d'hélicoptère Z10.

Au début des années 2000, il y avait moins de 100 hélicoptères civils qui volaient en Chine. Selon des documents internes de P&WC, cités dans l'entente conclue entre le département de la Justice et United Technologies Corporation (UTC), P&WC et Hamilton Sundstrand, le potentiel était énorme. On évoquait notamment le nombre de 20 000 nouveaux appareils. La motorisation de ces hélicoptères pouvait représenter des revenus de 500 millions à 2 milliards de dollars US pour P&WC, en incluant les pièces et le service après-vente.

Le motoriste de Longueuil a décidé de s'impliquer dans le programme Chinese Medium Helicopter (CMH), le Z10, qui devait avoir des applications civiles et militaires. P&WC pensait que son implication était une condition essentielle pour participer aux appels d'offres à venir pour motoriser de nouveaux hélicoptères civils.

Le Z10 devait être un appareil de 5,5 tonnes capable de transporter 12 personnes dans sa version civile. Les deux versions, civiles et militaires, devaient être créées en parallèle.

«Au fur et à mesure que les restrictions liées au contrôle du trafic aérien se relâcheront et que le développement économique se poursuivra, il y aurait une forte croissance de la flotte en Chine», a écrit P&WC dans une lettre au ministère canadien des Affaires étrangères pour obtenir un permis d'exportation pour le Z10. «Le motoriste occidental doit participer au programme dès maintenant pour se positionner pour la future version civile.»

En 2001 et 2002, P&WC a livré à la Chine 10 moteurs pour les prototypes du Z10, accompagnés de logiciels de commande de moteurs conçus par une autre filiale d'UTC, Hamilton Sundstrand. Or, ces logiciels avaient été modifiés pour permettre des applications militaires. Ils étaient ainsi soumis aux contrôles d'exportation du gouvernement américain, une obligation que P&WC a préféré ignorer.

Malheureusement pour P&WC, le marché de l'aviation civile ne s'est pas matérialisé comme prévu. En 2005, la Chine a fait savoir qu'elle ne créerait pas une version civile du Z10, mais qu'elle entendait concevoir un autre hélicoptère pour ce marché civil, le Z15. Quelques mois plus tard, P&WC a appris que le Z15 serait beaucoup plus lourd que le Z10, soit un poids de sept à huit tonnes. Le moteur du Z10 n'était plus approprié pour un tel appareil et la Chine a fait savoir qu'elle inviterait tous les motoristes à participer à un appel d'offres.

P&WC a alors mis fin à sa participation au projet Z10. Le motoriste n'aura livré que les 10 moteurs pour les prototypes, ce qui représente de maigres revenus de 2,3 millions US.

L'hélicoptère d'attaque Z10 est maintenant en production et a commencé à être livré à l'Armée populaire de libération de la Chine.

La société fait son Mea-Culpa

La société mère de Pratt&Whitney Canada (P&WC), United Technologies Corporation, s'est confondue en excuses. Mais elle n'a pas tenté d'expliquer ce qui l'avait amenée à violer les règles américaines.

«Les contrôles des exportations constituent une partie importante de la protection de la sécurité nationale des États-Unis et de ses intérêts en politique étrangère», écrit le président et chef de la direction de UTC, Louis Chênevert, dans un communiqué publié hier. «En tant que fournisseur de technologies et de produits contrôlés auprès du département de la Défense et de clients internationaux, nous sommes engagés à mener nos affaires dans le plein respect des lois et règlements qui gouvernent les exportations. Nous assumons la pleine responsabilité pour ces violations passées et nous regrettons profondément qu'elles aient eu lieu.»

M. Chênevert affirme que UTC et ses filiales ont pris des mesures considérables pour améliorer leurs processus de contrôle.

P&WC n'a pas voulu commenter le dossier de l'hélicoptère chinois, et a renvoyé les journalistes au communiqué de UTC. Et chez UTC, on n'a pas voulu aller plus loin que ce qui était écrit dans le communiqué.