La reprise économique canadienne a obtenu mardi un vote de confiance de la part d'économistes de la Banque Royale, qui, dans un nouveau rapport, la jugent suffisamment résiliente pour résister aux turbulences en provenance de l'étranger.

Les nouvelles prévisions trimestrielles de la Royale anticipent un rebond de la croissance à 3,1 pour cent pour le trimestre en cours, qui se termine fin juin, ainsi qu'une croissance de 2,6 pour cent du produit intérieur brut d'ensemble, tant pour 2012 que pour 2013.

Mais des données toutes fraîches du Conference Board laissent croire que les vents contraires soufflant d'ailleurs ont déjà un impact sur le secteur corporatif canadien.

Selon l'indice de la rentabilité industrielle de mai calculé par le groupe de recherche, 13 des 49 industries étudiées affichent un déclin de leur rentabilité et plusieurs de celles qui réalisaient de solides hausses au début de l'année doivent maintenant composer avec un ralentissement.

«Les plus faibles perspectives de rentabilité sont liées à la crise actuelle des dettes en Europe», a noté le Conference Board, citant en outre le ralentissement de la croissance des marchés émergents et le déclin des prix des matières premières que le Canada vend ailleurs dans le monde.

Les économistes de la Banque Royale se sont dits conscients des difficultés externes et en ont tenu compte dans leur prévision de croissance de 3,5 pour cent pour l'économie mondiale cette année. Mais ils s'enthousiasment néanmoins pour les solides données fondamentales qu'ils observent au pays et croient que les décideurs réussiront à prévenir un écroulement financier en Europe.

«Nous sommes relativement téméraires», a noté l'économiste en chef de la Royale, Craig Wright. «Les conditions pour la croissance sont positives, elles sont appuyées par l'environnement soutenu de faibles taux d'intérêt et un secteur financier canadien en bonne santé, prêt à fournir du crédit.»

Selon M. Wright, les récentes mauvaises nouvelles ont nui à la confiance, mais elles n'ont pas changé les perspectives d'ensemble.

«Cela reste principalement une histoire risquée», a-t-il affirmé au sujet de l'Europe. «D'une certaine façon, c'est toujours un peu plus de la même chose: nous nous faisons tirer jusqu'au bord du précipice, puis nous nous en faisons éloigner.»

Parmi les autres risques à éviter, selon la Royale, se trouvent la possibilité d'un atterrissage plus soudain que prévu de l'économie chinoise et le danger qu'une impasse politique aux États-Unis n'empêche la prolongation de mesures de relance fiscales au-delà de cette année.

Plus optimiste que la Banque du Canada

Les prévisions de la Banque Royale se trouvent dans le haut de la fourchette des projections des économistes du secteur privé. Elles sont aussi supérieures à celles de la Banque du Canada, qui mise sur une croissance de 2,4 pour cent pour 2012 et 2013.

La banque centrale a par ailleurs indiqué la semaine dernière qu'elle pourrait réviser à la baisse ses propres prévisions. Elle avait noté dans un communiqué que les «perspectives de croissance de l'économie mondiale» s'étaient «affaiblies», évoquant les problèmes de dette de l'Europe et les performances décevantes des marchés émergents, des États-Unis et même du Canada - lequel a affiché un taux de croissance de 1,9 pour cent pour le premier trimestre.

Statistique Canada a confirmé, vendredi dernier, que les solides gains du marché de l'emploi en mars et avril s'étaient essoufflés en mai.

La Banque Royale a cependant vu dans la création de 7700 emplois du mois dernier une consolidation de l'expansion des deux mois précédents puisque le résultat net ne s'est pas soldé par des pertes d'emplois.

Les économistes de la banque ont attribué la performance économique décevante du premier trimestre à des facteurs temporaires - un hiver doux qui a réduit la demande pour les services publics et des fermetures temporaires tant dans les installations de production énergétique que dans les minières.

Ils s'attendent ainsi à ce que l'économie fasse du rattrapage au deuxième trimestre, compte tenu de l'énorme création de 140 000 emplois affichée pour mars et avril.

La croissance du marché de l'emploi devrait se poursuivre dans les deux prochaines années, prévoit la Royale, ce qui devrait faire passer le taux de chômage de son niveau actuel de 7,3 pour cent à 6,9 pour cent à la fin de 2013.

Par ailleurs, la poursuite de la croissance aux États-Unis, même si elle est modeste, et la vigueur, au Canada, du marché de l'habitation, des dépenses des consommateurs et des investissements des entreprises aideront l'économie canadienne à rester sur le chemin de la reprise, a poursuivi la Banque Royale.

Compte tenu de la croissance positive, M. Wright s'attend à ce que la Banque du Canada commence à hausser les taux d'intérêt plus tard cette année.

Croissance inégale

La croissance annoncée par la Royale ne sera toutefois pas répartie de façon égale au pays, prévient le rapport.

Le portrait d'ensemble reste marqué par l'écart, de plus en plus profond, entre l'Est et l'Ouest. L'Alberta et la Saskatchewan, riches en ressources naturelles, semblent en voie d'afficher des croissances de près de quatre pour cent.

Pendant ce temps, les taux de croissance du Québec et des quatre provinces atlantiques seront inférieurs à deux pour cent cette année, selon la banque. Et parmi elles, seuls la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick dépasseront ce niveau l'année prochaine.

L'économie du Québec devrait maintenir son cap actuel et croître de 1,6 et de 1,9 pour cent respectivement en 2012 et 2013.

La Colombie-Britannique et l'Ontario devraient progresser à un rythme s'approchant de la moyenne nationale.