Le secteur manufacturier comptera 400 000 postes vacants d'ici 15 ans, prévient le Conference Board du Canada. Pour pallier aux pénuries qui frappent déjà de nombreux corps de métier, le Québec se tourne vers l'étranger. Le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles (MICC) vient de conclure une entente permettant aux entreprises de recruter directement sur les bancs d'école les élèves étrangers qui suivent une formation professionnelle chez nous, a appris La Presse.

« Ça va donner un vrai coup de main «, croit le président de l'organisme Éducation Internationale, Wojtek Winnicki, qui a milité pour la nouvelle règlementation. « Maintenant que les élèves étrangers peuvent travailler dès leur formation terminée, ils seront plus faciles à attirer, dit-il. Ça ouvre la porte au recrutement dans des secteurs où on ne trouve pas preneur chez nous. «

Jusqu'à récemment, les élèves inscrits en formation professionnelle devaient retourner dans leur pays d'origine une fois leurs études terminées afin de faire une demande de permis de travail. Rien ne garantissait qu'elle soit acceptée. Ils y sont maintenant éligibles dès leurs cours réussis, à condition d'avoir suivi une formation à plein temps, d'être titulaire d'un diplôme d'études professionnelles ou d'une attestation de spécialisation professionnelle et d'avoir fait un minimum de 900 heures d'études.

Un changement de cap qui aidera à combler des besoins dans plusieurs domaines. En technique d'usinage, en soudage-montage et en ferblanterie-tôlerie notamment. L'agence de placement de personnel Randstad Canada a dû doubler le nombre de recruteurs pour les métiers spécialisés au Québec.

« Le manque de personnel est un frein «, déplore le président de la boîte, Marc-Etienne Julien, qui voit l'entente du MICC comme une excellente nouvelle. « C'est une partie de la solution. Il faut aussi revaloriser les métiers auprès de nos jeunes. Mais à court terme, les immigrants peuvent aider. »

Déjà, entreprises et commissions scolaires recrutent. Au Saguenay, par exemple, les entreprises de métallurgie misent sur de futurs élèves français pour atténuer une importante pénurie de soudeurs-monteurs. La région compte 184 postes vacants et seulement 56 élèves inscrits dans ce programme. Pour combler des besoins qualifiés «d'urgents», une première cohorte (de 20) venue d'outre-mer suivra une formation intensive à partir de septembre pour entrer au travail dès mai 2013.

«Vingt, ce n'est pas énorme, mais à long terme, la démarche apportera beaucoup à notre entreprise», estime la conseillère en gestion des ressources humaines au Groupe Industriel AMI de Jonquière, Katia Blackburn, qui envisage d'aller recruter des élèves dans d'autres pays que la France. «J'engage 30 à 40 soudeurs par année. Dans un monde idéal, ce serait 70.»

À Montréal, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) est sur le point de signer des ententes avec plusieurs pays d'Asie, d'Europe et du Maghreb. «Nous discutons avec des entreprises qui ont des besoins de personnel afin qu'elles participent au recrutement d'élèves», dit le porte-parole de la CSMB, Jean-Michel Nahas.

Les dirigeants d'une école de service technique et de bureautique du Vietnam seront dans la métropole au cours des prochaines semaines pour mettre sur pied un partenariat. La CSMB entend aussi offrir des stages à des élèves français et espagnols, notamment dans le domaine de la réfrigération. «Avec les nouvelles règles, certains choisiront sûrement de rester», croit M. Nahas.

Wojtek Winnicki est d'accord. Selon lui, les étrangers seront de plus en plus nombreux à suivre une formation professionnelle en sol québécois maintenant que cela leur ouvre la porte du marché du travail.

«Ça fait toute une différence, dit-il. Ça coute très cher de venir étudier ici, alors il faut que ça vaille la peine.» Certains paient jusqu'à 25 000$ par an pour recevoir une formation de niveau secondaire dans nos écoles professionnelles. «C'est un pensez-y bien. Mais avec la possibilité de travailler et potentiellement d'immigrer sans quitter le Québec, c'est nettement plus attirant.»

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DES MÉTIERS EN DEMANDE

Technique d'usinage

Débouchés : machiniste et vérificateur d'usinage et d'outillage ou opérateur de machines d'usinage

Revenu annuel moyen : 40000$

Perspectives d'emploi : taux de placement de 100%dans plusieurs régions

Soudage-montage

Débouchés : soudeur et opérateur de machines à souder et à braser

Revenu annuel moyen : 39 000 $

Perspectives d'emploi : taux de placement de près de 100 % dans plusieurs régions.

Ferblanterie-tôlerie

Débouchés : tôlier et ferblantier

Revenu annuel moyen : 44 000 $

Perspectives d'emploi : taux de placement de 96 %.

Plomberie et chauffage

Débouchés : plombier

Revenu annuel moyen : 47 000 $.

Perspectives d'emploi : taux de placement de 86 %.

Sources : Immigration-Québec et Commission de la construction du Québec

400 000 postes vacants d'ici 15 ans

> SOUDEUR

100% DE TAUX DE PLACEMENT DANS PLUSIEURS RÉGIONS

> PLOMBIER

86% DE TAUX DE PLACEMENT