Le manque de concurrence dans le secteur du commerce de détail au Canada pourrait expliquer au moins en partie les prix parfois plus élevés que les consommateurs doivent payer au nord du 49e parallèle.

C'est du moins l'hypothèse qu'ont avancée en choeur les groupes de défense des consommateurs et les alliances de manufacturiers convoqués mardi devant un comité sénatorial pour expliquer le gouffre entre le Canada et les États-Unis en matière de prix.

Les sénateurs se penchent sur la question et doivent faire rapport d'ici la fin juin.

Bruce Cran, de l'Association des consommateurs du Canada, a affirmé qu'il était lui-même surpris devant l'évolution des prix au cours des cinq dernières années, une période sur laquelle le huard a gagné 50 pour cent de sa valeur sur la devise américaine, pour atteindre la parité.

Selon sa propre estimation, la différence moyenne entre les prix américains et canadiens n'est jamais passée sous la barre des 25 pour cent.

Une étude informelle effectuée par l'économiste Douglas Porter, de la Banque de Montréal, concluait pour sa part qu'en moyenne, les biens coûtaient 20 pour cent plus cher au Canada que chez le voisin du sud.

«Comment une motoneige fabriquée au Québec peut-elle être vendue 33 pour cent moins cher aux États-Unis?», s'est questionné M. Cran. «Comment une camionnette manufacturée au Canada peut-elle être vendue 5000 à 6000 $ de moins de l'autre côté de la frontière? Pourquoi un livre imprimé aux États-Unis est-il vendu 33 ou 50 pour cent plus cher au Canada?»

Même la commande d'un livre sur un site internet américain à destination du Canada peut faire grimper la facture de façon substantielle, a-t-il souligné. «S'il y a une explication, je ne l'ai pas encore entendue», a ajouté M. Cran.

Une étude publiée par l'Université Ryerson, qui concluait que le marché canadien du détail se concentrait entre quelques gros joueurs depuis les années 1980, pourrait fournir des réponses, selon Michael Janigan, à la tête du Centre pour la défense de l'intérêt public.

Dans un témoignage entendu plus tôt, les sénateurs ont appris que les quatre plus grandes entreprises de détail présentes au Canada réalisaient 28 pour cent de toutes les ventes au pays, contre 12 pour cent pour leurs homologues américaines.

«Même si l'augmentation de la taille des détaillants peut avoir expliqué la hausse de leur rentabilité, elle a aussi donné aux chaînes plus de pouvoir sur le marché», a expliqué M. Janigan. «Un haut niveau de concentration mène à la standardisation et à une diminution de la concurrence.»

Il s'agit d'une théorie qui, selon lui, mérite que l'on s'y attarde. Et il a recommandé au comité sénatorial de demander au Bureau de la concurrence de mener une étude de marché pour déterminer pourquoi les prix au détail restaient «collés» au haut de l'échelle malgré la fluctuation des devises.

Depuis qu'il a amorcé ses audiences à l'automne, le comité sénatorial des finances a convoqué une kyrielle de témoins pour tenter d'identifier les raisons qui pourraient expliquer le gouffre. Mais mardi, les parlementaires semblaient se retrouver devant un enjeu aussi complexe qu'au début des audiences.

Les facteurs qui ont fait l'objet de discussions incluent les coûts de transport, les tarifs douaniers, la gestion de l'offre dans le domaine des produits laitiers, un salaire minimum plus élevé au Canada et le traitement préférentiel réservé au géant américain par les importateurs.

Selon la sénatrice néo-brunswickoise Pierrette Ringuette, chaque secteur du commerce de détail semble avoir des prix plus élevés pour des raisons différentes, ce qui complique la tâche du comité. «Il ne semble pas y avoir une recommandation spécifique à formuler, parce que selon le secteur considéré, il y a plusieurs enjeux distincts», a-t-elle affirmé mardi.