Pour sauver le capitalisme, les banquiers centraux ont abaissé les taux d'intérêt à des creux historiques. L'épargne en général et les régimes de retraite en particulier sont à classer parmi les dommages collatéraux.

Il n'y a pas de solution législative à cette nouvelle réalité, mais la souplesse est le meilleur gage de survie alors qu'une structure rigide risque de s'écrouler. «Nous sommes dans un monde inconnu que nous ne comprendrons pas de sitôt, insiste Malcolm Hamilton, partenaire chez Mercer spécialisé dans les régimes de retraite et la gestion des risques. Nous vivons dans un monde de dépression à peine contenue.»

Pour décrire l'avenir de ce monde à un auditoire composé de promoteurs de régimes de retraite, il a paraphrasé hier la formule de Churchill à propos de la politique de l'Union soviétique: une devinette enveloppée de mystère au sein d'une énigme.

Devant ce nouveau monde où la notion de long terme est dénuée de sens, l'actuaire préconise de fréquents tests de résistance. C'est ce qui a été fait avec succès avec la Sécurité de la vieillesse fédérale dont le poids représentera l'équivalent de 3,5% du PIB en 2030. C'est parfaitement soutenable, compte tenu du poids de la dette fédérale, et très enviable, si on la compare aux systèmes de plusieurs pays européens comme l'Allemagne et la France.

Il en va de même pour le Régime des rentes du Québec dont les cotisations ont été ajustées pour assurer sa survie.

Il faudra aussi envisager d'inclure de la souplesse dans les autres volets du système de retraite.

Il a donné l'exemple des Pays-Bas où l'autorité chargée de leur supervision a fait passer une mesure audacieuse. Elle permet une diminution temporaire des prestations promises aux retraités quand leur régime ne peut générer assez de rendement pour faire face à ses obligations.

C'est le cas maintenant avec la chute des taux d'intérêt qui ballonne la valeur du passif des régimes de retraite à prestations déterminées et rapetisse l'espérance d'accumulation de capital dans les régimes à cotisations déterminées.

Pareille mesure forcerait un changement législatif appelé sans doute à être contesté devant les tribunaux, mais il faudra quand même peut-être s'y résoudre, plaide M. Hamilton. «Les retraités doivent aussi prendre une partie du risque de leur système de retraite. Ils en sont capables», affirme M. Hamilton.

L'actuaire déplore cependant la faible littératie financière de la majorité des Canadiens. Et il pointe des coupables, comme les propagandistes des REER qui en incitent plusieurs à prendre de mauvaises décisions en vue de la retraite.

Ou comme la trop grande complexité du système de retraite canadien. Il y a ainsi des programmes qui s'additionnent comme le Régime des rentes et un régime complémentaire de retraite. D'autres qui peuvent s'annuler, comme le régime enregistré d'épargne-retraite et le supplément de revenu garanti. Pour ne pas perdre ce dernier si on peut y avoir droit, mieux vaut placer son épargne dans un Compte d'épargne libre d'impôt que dans un REER, rappelle M. Hamilton.

La faible littératie financière, jumelée à la promesse de rentes garanties, rend les retraités présents et futurs vulnérables aux aléas d'un contexte économique incertain comme celui dans lequel nous resterons plongé encore plusieurs années.

L'annonce faite mercredi par la Réserve fédérale américaine de ne pas hausser son taux directeur avant la fin de 2014 est garante de plusieurs autres années difficiles pour les épargnants et les régimes de retraite.

M. Hamilton rappelle enfin que la meilleure décision d'épargne reste le remboursement de ses dettes quand il y en a, même si leur service n'a jamais été si bon marché.

Il est très dangereux pour une société d'avoir des retraités qui doivent encore rembourser des emprunts, fussent-ils de type hypothécaire.