Les divers régimes de pension des employés du gouvernement canadien - les fonctionnaires, les policiers, les militaires, les juges, les députés et les sénateurs - représentent un imposant boulet financier pour les contribuables canadiens: 143 milliards de dollars.

Cette somme représente la totalité des engagements financiers non capitalisés du gouvernement fédéral envers les caisses de retraite de ses employés au 31 mars 2010, selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Ces documents, préparés par les fonctionnaires du bureau du Conseil privé pour le premier ministre Stephen Harper, font un survol des obligations financières du gouvernement fédéral envers ses employés actuels et les employés à la retraite. Et le portrait que dressent les fonctionnaires laisse entendre que le gouvernement conservateur devrait envisager certaines réformes, sans les préciser, pour réduire ce boulet financier.

«Le gouvernement a l'obligation légale de financer les sommes prévues par les régimes de pensions», soutient-on dans les documents datés du 29 juin 2011. Selon une ventilation des engagements financiers non capitalisés, 95 milliards de dollars sont payables au régime de pension des fonctionnaires, 46 milliards de dollars à celui des soldats des Forces canadiennes, 12,6 milliards à celui des policiers de la GRC, 800 millions au régime des députés et sénateurs et 200 millions à celui des juges.

«Ces engagements financiers non capitalisés représentent un risque pour tous les contribuables», affirme Alexandre Laurin, de l'Institut C.D. Howe. Ce think tank vient de publier une étude qui soutient qu'Ottawa évalue mal ses engagements financiers non capitalisés. Selon l'Institut C.D. Howe, le boulet financier frise davantage les 227 milliards de dollars, soit une somme de 80 milliards de plus que ce qu'Ottawa avance.

Il n'est donc pas étonnant que des stratèges conservateurs évoquent en privé l'idée de réduire la générosité de ces caisses de retraite au moment où le gouvernement Harper est engagé dans un exercice de réduction des dépenses afin d'éliminer un déficit avoisinant les 30 milliards d'ici trois ans.

D'autant plus que les régimes de pension du secteur privé sont nettement moins généreux et qu'une proportion importante de Canadiens n'a pas de plan de retraite.

L'ancien gouvernement libéral de Jean Chrétien a toutefois pris les moyens pour mieux protéger les contribuables de ce fardeau financier en 2000 en créant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public. Cette société d'État a comme mandat d'investir les sommes transférées annuellement par le gouvernement fédéral et qui correspondent aux cotisations des employés et de l'employeur des régimes de pensions de la fonction publique, de la GRC et des Forces armées.

En 11 ans, la société d'État a réussi à bâtir un actif net de 58 milliards de dollars (au 31 mars 2011) pour les employés de ces trois organisations embauchés à partir d'avril 2000. Résultat: les régimes de ces employés seront suffisamment capitalisés. Mais ce n'est pas le cas des employés embauchés avant cette date.

Selon les documents du bureau du Conseil privé, on compte près de 281 000 employés de l'État à la retraite, soit 181 000 retraités de la fonction publique, 86 000 retraités des Forces armées et 13 300 de la GRC.

Mais on prévoit une vague de retraites des baby-boomers au sein de la fonction publique d'ici six ans, ce qui pourrait alourdir considérablement les obligations financières non capitalisées du gouvernement canadien.

À l'heure actuelle, la fonction publique compte quelque 307 000 travailleurs, les Forces armées 84 000 employés et la GRC, 22 000 policiers.

Le premier ministre Stephen Harper a indiqué, dans une entrevue à Radio-Canada lundi soir, qu'aucune décision n'a encore été prise au sujet des mesures de réduction des dépenses, en particulier celles qui pourraient toucher les régimes de pension. Mais le président du Conseil du Trésor, Tony Clement, qui a la responsabilité de passer peigne fin toutes les dépenses de l'État pour dégager des économies frisant les 10% par année d'ici 2015, a fait savoir que le gouvernement veut s'assurer que les salaires et les avantages des employés de l'État «sont justes et équitables pour les contribuables et les employés».

Des analystes ont suggéré au gouvernement Harper d'augmenter les contributions des employés de l'État de manière à ce qu'elles soient égales à celle de l'employeur. En ce moment, les employés paient 35% et le gouvernement fédéral 65%, mais la part des employés passera à 40% l'an prochain. Ils recommandent aussi de hausser l'âge de la retraite à 65 ans, au lieu de s'en tenir à une formule qui tient compte du nombre d'années de service et de l'âge de l'employé.