L'ex-premier ministre du Québec Jacques Parizeau estime que l'Autorité des marchés financiers (AMF) de la province devrait imposer certaines conditions à l'offre de 3,8 milliards $ qu'a présenté le Groupe Maple pour faire l'acquisition de la Bourse de Toronto.

M. Parizeau a dit ne pas s'opposer à l'acquisition du Groupe TMX par Maple. «Mais je crois que la transaction devrait être améliorée, pour que Montréal demeure en plein coeur du commerce des dérivés au Canada», a-t-il affirmé, vendredi, à Montréal, dans le cadre des audiences publiques de l'AMF sur l'acquisition projetée par le groupe Maple.

Les produits dérivés représentent une partie importante des valeurs mobilières qui sont surtout transigés par des investisseurs institutionnels. La Bourse de Montréal offre actuellement des options sur actions et devises, de même que des dérivés sur des indices, sur les taux d'intérêt et sur l'énergie.

Dans la transformation des marchés d'actions au pays survenue il y a plusieurs années, la Bourse de Montréal est devenue le marché principal des dérivés, tandis que les transactions d'actions étaient menées principalement à la Bourse de Toronto et à sa consoeur la Bourse de croissance TSXV.

Des assurances pour Montréal

Depuis que le Groupe TMX - l'exploitant de la Bourse de Toronto - a pris le contrôle de la Bourse de Montréal pour 1,3 milliard $ en 2007, celle-ci a cessé de transiger des actions pour se concentrer sur les contrats à terme et autres produits dérivés, un marché profitable et en croissance rapide.

Mais Montréal pourrait perdre des plumes dans la transaction qui s'annonce, craint M. Parizeau. «C'est pour ça qu'on vient discuter des conditions qu'il faut poser pour garder à Montréal les produits dérivés et tout ce qui vient avec, en particulier la chambre de compensation pour tous les produits dérivés. Pour qu'on garde ça à Montréal, que ce ne soit pas envoyé à Toronto», a-t-il précisé.

«On fait des représentations pour que le conseil d'administration de Montréal ne soit pas simplement l'effet miroir de celui de Toronto. Il faut lui donner un peu de latitude, qu'il soit capable de prendre un certain nombre de décisions.»

L'AMF a le pouvoir d'opposer son veto à la transaction de 3,8 milliards $, qui accorderait la propriété des parquets canadiens à un groupe de banques et d'autres institutions financières, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec.

L'ancien ministre des Finances de la province juge que l'organisme de réglementation devrait exercer son pouvoir pour s'assurer que Montréal ne devienne pas une coquille pour les produits dérivés.

M. Parizeau a dit croire que la métropole financière du Québec doit aussi être en mesure d'exercer un réel pouvoir sur la Bourse de Boston, afin que la Bourse de Montréal ait «au moins un peu d'autonomie en regard aux nouveaux produits ou nouveaux liens avec d'autres parquets de produits dérivés».

M. Parizeau a pris la parole en tant que membre d'une délégation du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC). Le MÉDAC ne s'oppose pas à la transaction, mais craint qu'elle puisse affaiblir le Québec.

L'organisation propose une série de recommandations, incluant une limite de participation par un seul groupe et la présence de résidants du Québec sur le conseil.

Des garanties pour les petits actionnaires

Également présent aux audiences, vendredi, Michel Nadeau, de l'Institut de la gouvernance des organisations publiques et privées, a affirmé que l'AMF devrait s'assurer que les petits et moyens actionnaires aient leur place sur le conseil du TMX.

Il a soutenu qu'un tiers du conseil de 15 membres devrait être représenté par des investisseurs au détail et de grands régimes de retraite, tels que le Caisse de dépôt et placement. Les banques et les compagnies d'assurance devraient être représentées par cinq membres indépendants, tandis que les autres sièges incluraient des émetteurs de valeurs et le président du conseil, a-t-il précisé.

L'ancien dirigeant de la Caisse a aussi fait valoir que les systèmes de surveillance que sont la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés (CDCC) et la Caisse canadienne de dépôt de valeurs (CDS) devraient être des organisations à but non lucratif.

«Ils ne devraient pas être sous le contrôle du TMX et Maple, car autrement, les banques et les assureurs auraient une emprise sur tout au pays. Ce serait trop», a-t-il lancé en entrevue.

M. Nadeau a dit être d'accord avec M. Parizeau sur le fait que des mesures doivent être mises en place pour assurer que Montréal puisse faire croître les activités des dérivés. Son rythme de croissance n'a pas collé à celui d'autres juridictions, car les banques ont eu intérêt à voir les investisseurs mettre leur argent dans les titres et les obligations, a-t-il soutenu.

Environ 230 personnes travaillent à la Bourse de Montréal, le même nombre qu'il y a cinq ans, même si les marchés des dérivés sont en croissance ailleurs dans le monde.