Les entreprises canadiennes qui ont accès à de la technologie militaire américaine n'auront plus à écarter des employés qui sont citoyens d'un pays figurant sur la liste noire des États-Unis.

En échange, les employés devront fournir des renseignements précis sur leurs antécédents et leurs allées et venues à l'étranger.

«C'est un soulagement, mais il y a un prix à payer, a déclaré le président de L-3 MAS, Sylvain Bédard, dans une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. Il y a moins de contraintes sur le choix des employés, mais il y a des contraintes de paperasserie qui se sont ajoutées.»

Le gouvernement américain a modifié l'ITAR (International Traffic in Arms Regulations) pour éliminer une de ses contraintes majeures, qui touchait les personnes ayant la double nationalité.

L'ITAR est un ensemble de règles américaines qui visent à empêcher que des informations sensibles sur la technologie militaire américaine ne tombent entre des mains ennemies. C'est ainsi que les ressortissants de pays proscrits par les États-Unis, comme l'Iran, la Chine, la Corée du Nord ou le Venezuela, ne peuvent avoir accès à ces technologies.

Les entreprises canadiennes devaient donc écarter de certains programmes des Canadiens qui étaient originaires d'un des 25 pays de la liste noire et qui avaient la double citoyenneté. Cette situation a soulevé la controverse il y a quelques années et a même amené plusieurs personnes à déposer des plaintes devant la Commission des droits de la personne. Un stagiaire a allégué que Bell Helicopter avait mis fin à son stage parce qu'il était Vénézuelien, un étudiant a soutenu qu'il n'avait pu faire un stage dans la même entreprise parce qu'il était né en Haïti.

Le gouvernement canadien a fait savoir à Washington que cette règle allait à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Ottawa a proposé une approche basée sur le risque que chaque personne peut représenter, plutôt que sur son pays d'origine.

Après des années de discussions, les États-Unis ont accepté cette idée et ont supprimé cette contrainte le 15 août dernier.

«C'est ce que demandait l'industrie, a commenté Jean-Michel Laurin, vice-président aux affaires mondiales des Manufacturiers et exportateurs du Canada (MEC). Ça vient éliminer la menace qui pesait sur nos membres, celle d'être poursuivi sur la base des droits de la personne. Nous sommes très satisfaits.»

L'industrie est en train de se familiariser avec le nouveau processus. C'est le gouvernement canadien, par l'entremise de son Programme des marchandises contrôlées, qui évalue le risque que représentent les employés qui ont accès à la technologie militaire américaine.

L'Association des industries canadiennes de défense et sécurité se réjouit de cette nouvelle, mais elle examine quand même sa mise en oeuvre.

«Nous voulons nous assurer que les procédures sont adéquates», a déclaré Tim Page, président de l'association.

Un processus lourd

Le processus est lourd, le formulaire que devront remplir les employés touchés par cette règle compte plus d'une dizaine de pages. On demande notamment à la personne où elle a habité, où elle a voyagé, si elle a déjà travaillé pour une entreprise étrangère, si elle a déjà été congédiée, si elle a eu des contacts avec des hauts fonctionnaires étrangers, etc. On demande notamment de répondre par oui ou par non à la question suivante:

«Je maintiens des liens significatifs avec une ou plusieurs personnes qui font partie ou appuient un groupe d'espionnage, terroriste, qui fait partie du crime organisé ou qui mène des activités subversives ou militantes.»

L-3 MAS, entreprise de Mirabel spécialisée dans la maintenance d'appareils militaires, doit faire remplir le formulaire à tous ses employés.

«Ça entraîne une certaine lourdeur au départ pour se mettre à jour, mais nous avons trois ans pour le faire, a indiqué Sylvain Bédard. Par la suite, les nouveaux employés rempliront le formulaire en arrivant. Il n'y aura plus de problèmes.»

Jean-Michel Laurin a reconnu que les exigences de conformité étaient plus grandes que dans le passé.

«Mais nos membres sont prêts à vivre avec ça, dans la mesure où ça règle des problèmes qu'ils avaient avant.»