Le coup d'éclat du gouvernement libéral de Dalton McGuinty est certainement le virage vert qu'il a fait prendre à sa province durant son mandat. C'est aussi ce qui pourrait le conduire à sa perte aux élections du 6 octobre prochain.

Deux ans après son lancement, l'ambitieux plan du gouvernement de remplacer les centrales au charbon par de l'énergie renouvelable «made in Ontario» bat de l'aile, et il est critiqué de toute part.

Le Parti conservateur de Tim Hudak, qui est le plus sérieux adversaire de Dalton McGuinty, a juré d'abolir la pièce maîtresse de ce plan vert, soit le contrat d'une valeur de 7 milliards conclue avec la firme coréenne Samsung pour créer de toutes pièces une industrie de fabrication de turbines d'éoliennes et de panneaux solaires dans la province.

Ce contrat n'est pas controversé en Ontario seulement. Il s'est attiré les critiques des autres grands acteurs mondiaux du secteur des énergies alternatives, qui estiment que la façon de procéder du gouvernement ontarien bafoue les règles du commerce international. Le Japon et l'Union européenne ont porté plainte à l'Organisation mondiale du commerce, qui se penche actuellement sur le dossier.

Les enjeux sont majeurs pour l'Ontario, qui espère remplacer à long terme les emplois perdus dans le secteur automobile. Plus de 16 000 emplois devraient être créés dans ce nouveau secteur d'activité d'ici 2015, mais ça démarre très lentement. Le dernier relevé gouvernemental fait état de 600 nouveaux emplois.

En même temps, le gouvernement ontarien a entrepris d'encourager la production d'énergie verte dans la province au moyen de tarifs garantis consentis aux producteurs. Ce programme de prix garantis (Feed-in-Tariff ou FIT), suscite également beaucoup de critiques. Mesa Power, l'entreprise de l'ancien magnat du pétrole T. Boone Pickens, poursuit le gouvernement ontarien en raison de ses exigences de contenu local pour ces projets énergétiques.

Problème de crédibilité

Le vrai problème du gouvernement, c'est surtout que les prix consentis par le gouvernement sont très élevés et que ce sont les Ontariens qui paieront la note, estime Jean-Thomas Bernard, spécialiste en énergie et professeur à l'Université d'Ottawa.

Les prix garantis aux producteurs varient selon la forme d'énergie. Ils vont de 10,3 cents le kilowattheure pour la biomasse, ce qui est déjà plus élevé que le prix actuel de l'électricité en Ontario, jusqu'à un sommet de 80,2 cents kilowattheure pour l'énergie solaire. Des entreprises de partout, dont Innergex au Québec, profitent de ce programme très avantageux pour se lancer dans le secteur solaire.

Les petits projets solaires sont d'ailleurs trop nombreux pour être reliés au réseau électrique de la province, ce qui fait beaucoup de mécontents.

L'Ontario n'a pas choisi la façon la plus économique de se débarrasser du charbon, constate Jean-Thomas Bernard.

«La façon la moins coûteuse de remplacer le charbon, c'est les centrales au gaz naturel et ça risque d'être comme ça pendant encore plusieurs années», estime-t-il.

L'Ontario offre aux développeurs des tarifs parmi les plus élevés au monde pour se tailler une place dans une nouvelle industrie, mais c'est un pari difficile à gagner, selon lui.

«Dans tout ce qui est fabrication de turbines ou de panneaux solaires, c'est la Chine qui va prendre le marché, à cause de l'abondance et du bas coût de sa main-d'oeuvre. Penser que l'Ontario peut devenir un gros joueur, c'est du rêve», croit le professeur.

L'impact des tarifs garantis sur la facture d'électricité des Ontariens est encore imprécis. La seule chose certaine, c'est qu'elle va augmenter.

Et c'est normal, estime Tim Weis directeur, Énergies renouvelables et efficacité énergétique, à l'Institut Pembina. Selon lui, c'est une perte à court terme qui sera suivi d'un gain à long terme pour les Ontariens.

«Les prix garantis (Feed-in-Tariffs) sont la façon la plus rapide et la plus efficace de développer rapidement les énergies renouvelables», estime-t-il.

Le gouvernement ontarien n'est pas parfait, mais il a fait beaucoup de choses correctement, par exemple ouvrir le marché à toutes les formes d'énergie renouvelables et pas seulement une. «Réduire graduellement l'utilisation du charbon pour faire de la place aux énergies renouvelables est un important pas en avant», assure-t-il.

L'autre problème du gouvernement McGuinty, c'est qu'il sollicite un troisième mandat. «Il promet depuis son premier mandat en 2003 d'éliminer le charbon du bilan énergétique de la province, rappelle Jean-Thomas Bernard. Son discours n'est pas très crédible.»

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EXEMPLES DE TARIFS GARANTIS

Biomasse : de 10,3 cents à 19,5 cents le kilowattheure

Solaire: de 44,3 à 80,2 cents le kilowattheure

Hydro: de 12,2 à 13,1 cents le kilowattheure

Éolien: 13,5 cents le kilowattheure