Si le ralentissement de l'économie fait craindre des recettes fiscales moins fortes que celles prévues dans le budget d'Ottawa et des provinces, la baisse continue du service de leurs dettes cette année a de quoi rassurer.

L'engouement des investisseurs pour les emprunts canadiens profite en outre aux banques qui empruntent à des taux fort avantageux, tant auprès de prêteurs canadiens qu'étrangers.

Hier, le Canada a levé 3,5 milliards en vendant des obligations venant à échéance en 2013 pour lesquelles il a consenti un taux d'intérêt d'à peine 1,03%, soit trois centièmes de plus que le taux cible de financement à un jour de la Banque du Canada. La demande était tellement forte qu'il aurait pu lever 8,75 milliards.

Il y a un mois, il avait dû consentir aux prêteurs un rendement de 1,58% pour une même échéance.

La Société canadienne d'hypothèques et de logement a pour sa part ramassé 5 milliards, en bonne partie auprès d'étrangers.

Et comme si 8,5 milliards de dette ne suffisaient pas à gaver les prêteurs, la Colombie-Britannique a réussi à placer 500 millions d'obligations, échéance 10 ans, pour lesquelles elle a consenti un taux de 3,28% seulement.

Dette canadienne attrayante

Bref, l'aversion pour le risque des investisseurs et des spéculateurs rend la dette canadienne très attrayante.

«La crise profite présentement aux provinces puisque les obligations de références (celles du Canada) ont vu leurs prix chuter de façon importante alors les écarts demeurent relativement stables», note Jean-François Godin, vice-président à la recherche chez Valeurs mobilières Desjardins.

Malgré les mouvements de montagnes russes sans précédent, qui ont secoué les marchés la semaine dernière et accru les écarts entre les rendements des obligations canadiennes et ceux des provinciales, l'Ontario, l'Alberta et le Québec ont réussi des emprunts à taux très avantageux vendredi.

Ainsi le Québec a consenti un taux de 4,034% seulement sur une tranche de 500 millions venant à échéance en 2043. En juin, les prêteurs avaient exigé 4,328% pour une tranche semblable venant à échéance deux ans plus tôt.

Depuis le début de l'année, le Québec a réalisé 15 émissions sur le marché canadien pour une somme totale de 7,5 milliards, soit deux milliards de plus que pour la même période l'an dernier. Le taux d'intérêt moyen consenti (toutes échéances confondues) est de 4,19%, contre 4,63%, l'an dernier, a calculé M. Godin. L'échéance moyenne de 19 ans au lieu de 22 ans en 2010 n'explique qu'une bien faible partie de cet écart de taux.

Sur 7,5 milliards, un écart de taux de 44 centièmes représente un service de la dette allégé de 33 millions par année ou de 627 millions sur 19 ans.

Toutes les provinces empruntent à meilleur coût cette année, l'économie moyenne étant de 19 centièmes.

Cet engouement des prêteurs reflète la crédibilité qu'ils accordent aux élus provinciaux dans la maîtrise des finances publiques. Comme pour leur donner raison, l'Alberta a annoncé hier que son déficit allait sans doute s'élever à 1,344 milliard alors qu'elle avait prévu 3,39 milliards au printemps. Mardi, le Nouveau-Brunswick a fait de même avec une prévision de manque à gagner de 637 millions, soit 107 de moins que dans son budget.

Les banques aussi

Les grandes banques canadiennes aussi font de bonnes affaires auprès des prêteurs. Elles ont emprunté 23,3 milliards de janvier à juillet contre 35 milliards pour toute l'année 2010.

Cela va leur permettre de financer des acquisitions, comme celle de 7,5 milliards annoncée par la TD en début de semaine. La TD a déjà emprunté 1,75 milliard sur le seul marché canadien cette année.

Les banques canadiennes sont aussi actives sur le marché américain, où elles parviennent à trouver preneur à meilleur marché encore.

Elles pourront ainsi continuer de prêter aux ménages et aux entreprises à des conditions très abordables.

Voilà pourquoi il n'y a pas de quoi s'inquiéter que les non-résidants aient réduit leurs avoirs en titres canadiens de 3,5 milliards en juin, selon les données publiées hier par Statistique Canada. Il s'agissait de la deuxième diminution mensuelle seulement depuis décembre 2008.

Les titres obligataires canadiens portent un coupon payable en juin. Les étrangers en détenaient près de 600 milliards en juin. Plusieurs échéances arrivaient aussi à terme ce mois-là, tandis que le dollar canadien avait son cours moyen mensuel le plus élevé, ce qui rendait les rapatriements attrayants. «Les investisseurs étrangers sont probablement revenus en masse sur le marché des revenus fixes canadiens, estime Michael Gregory, économiste principal chez BMO marchés des capitaux. L'histoire d'amour se poursuit.»

Photo: La Presse

Chutes des taux obligatairesObligations des gouvernements du Canada et du Québec, à 10 ans.Ligne foncée: Obligations du QuébecLigne claire: Obligations du Canada