Pour une troisième journée d'affilée, le dollar canadien a grugé de la valeur au billet vert, dans la foulée de l'accord de principe européen pour éviter la faillite de la Grèce et de la perspective d'une hausse prochaine des taux d'intérêt par notre banque centrale. Notre monnaie flirte de nouveau avec ses sommets historiques d'avant la récession.

Bien que le huard ait perdu plus d'un cent d'équivalence par rapport à l'euro, il a profité de la hausse du prix du brut, la principale valeur d'exportation du pays, pour s'apprécier de nouveau par rapport au billet vert. Le huard a arraché 23 centièmesd'équivalence hier et s'échangeait contre 105,78 cents américains en fin de séance. En matinée, il a même franchi la barre des 106 cents pour la première fois depuis novembre 2007.

(Le 7 de ce même mois, il avait même touché quelques instants les 110,30 cents, un événement que David Dodge, gouverneur de la Banque du Canada de l'époque, avait associé à une horreur. Notre dollar s'était maintenu quelques jours dans les hauteurs avec lesquelles il flirte de nouveau, avant de se rapprocher de la parité.)

«Les marchés sont encore en train de digérer la perspective d'une ou de deux hausses de taux cet automne par la Banque du Canada alors qu'ils n'en prévoyaient pas jusqu'à mardi», explique Stéphane Goulet, directeur cambiste à la Banque Laurentienne.

En reconduisant le taux directeur de la Banque du Canada à 1%, son gouverneur Mark Carney a précisé en point de presse mardi que la détente monétaire considérable en place allait être réduite, si l'expansion se poursuit.

En mai, la Banque a mis un bémol à cette affirmation en y ajoutant l'expression «le moment venu». Les observateurs ont presque tous interprété cette omission comme le signal de la reprise du resserrement monétaire, dès septembre ou octobre. Cela dope le huard face au billet vert, d'autant plus que la Banque n'a pas manifesté d'inquiétudes sur sa force relative cette fois-ci. Elle fait même l'hypothèse qu'il s'échangera en moyenne contre 103 cents US d'ici la fin de 2013.

Le dollar US malmené

La monnaie américaine est pour sa part malmenée par la perspective d'une résolution crédible de la crise de la dette souveraine européenne qui ravive l'appétit pour le risque des investisseurs et spéculateurs. Cet appétit les détourne du billet vert, valeur refuge, tout comme de l'or, qui se replie après avoir franchi la barre des 1600$ US l'once troy lundi.

Le billet vert est donc analysé pour sa valeur intrinsèque, à la lumière de la santé de l'économie américaine.

Et de ce côté, c'est accablant, un peu comme la météo.

Hier matin, l'agence de notation Standard&Poors a estimé à une chance sur deux qu'elle abaisse de quelques crans la note de crédit AAA de la première économie du monde, si le Congrès et la Maison-Blanche ne parviennent pas à un accord crédible sur le rétablissement des finances publiques et un nouveau plafond de la dette. L'actuel, fixé à quelque 14 000 milliards de dollars, sera atteint d'ici le 2 août. La semaine prochaine seulement, le Trésor doit emprunter 99 milliards, alors que plus de 500 milliards de dette viennent à échéance le mois prochain.

Les indicateurs économiques continuent de décevoir. Hier, on a appris que les demandes initiales d'assurance chômage avaient augmenté la semaine dernière alors qu'on misait sur la troisième légère baisse hebdomadaire d'affilée. Elles ont totalisé 418 000 tandis qu'on dénombre toujours 3,7 millions de prestataires et près de 7 millions d'emplois de moins qu'avant la récession. «Ces chiffres reflètent la faiblesse persistante du marché du travail américain», explique Peter Buchanan, économiste à la CIBC.

Cela dit, la volatilité présente sur les marchés de change devrait perdurer. Elle traduit les grands risques qui animent l'économie mondiale. Outre l'état précaire des finances publiques de plusieurs États européens et des États-Unis, il faut aussi jauger celui de la surchauffe en Chine qui rend nerveux les investisseurs sur les marchés des commodités auxquels reste très sensible Rocket Huard.