Bientôt, le moment sera venu pour que la Banque du Canada reprenne la normalisation des taux d'intérêt.

Tout en reconduisant sans surprise le taux cible de financement à un jour, fixé à 1% depuis septembre, les autorités monétaires ont précisé que la période des taux exceptionnellement faibles tirait à sa fin. «Dans la mesure où l'expansion se poursuit et l'offre excédentaire notable au sein de l'économie se résorbe graduellement, la Banque réduira en partie la détente monétaire considérable en place, d'une façon compatible avec l'atteinte de la cible d'inflation de 2%», précise le communiqué faisant part de la décision.

«À la fin mai, la Banque disait plutôt qu'elle «réduirait en partie le moment venu la détente monétaire considérable en place». Il semble que ce moment approche à grands pas», déduit Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

C'est aussi ce que les parieurs sur le marché monétaire ont compris. Le huard a facilement franchi la barre des 105 cents US dans les minutes suivant l'annonce. Il a terminé la séance à 105,17 cents, en hausse de 88 centièmes. Le taux des obligations canadiennes pour l'échéance de deux ans a aussi grimpé, car la plupart des investisseurs tablaient jusque-là pour le statu quo d'ici à la fin de l'année.

Il reste trois dates de fixation du taux directeur cette année, soit les 7 septembre, 25 octobre et 6 décembre. «La Banque soumet les hausses de taux à deux conditions, précisent Paul-André Pinsonnault et Krishen Rangasamy, de la Banque Nationale. Premièrement, la crise des dettes européennes doit être contenue. Deuxièmement, l'expansion canadienne doit poursuivre sa tendance.»

Le duo croit que l'affaire a de bonnes chances d'être dans le sac dès septembre.

Avery Shenfeld, économiste en chef à la CIBC, penche plutôt pour octobre, sans écarter septembre. Alors, soutient-il, on aura une idée plus claire à la fois sur la situation européenne et l'économie canadienne étant donné le délai dans la publication des indicateurs économiques.

Comme bien d'autres, la Banque observe que les pressions inflationnistes sont plus tenaces qu'escompté au printemps. Même si l'économie américaine croît plus lentement en raison de la faiblesse de l'emploi et du marasme dans le marché de l'habitation, les prix des produits de base restent robustes à cause de la forte demande des économies émergentes.

La poussée des prix de l'énergie et des aliments aura des effets transitoires sur l'inflation globale qui restera au-dessus de 3% encore quelques mois avant de converger vers la cible de 2%.

Ce qui inquiète davantage les autorités monétaires, c'est la ténacité de l'inflation de référence en raison de «la vigueur plus persistante des prix de certains services». Elles jugent donc que l'indice de référence de l'inflation restera autour des 2% d'ici la fin de 2013, alors qu'elles croyaient plutôt que ce serait seulement l'an prochain que ce niveau serait atteint. En mai, cet indice se situait à 1,8%, alors que l'inflation totale atteignait 3,7%. Les données de juin paraîtront vendredi.

La Banque du Canada constate que l'expansion canadienne se déroule en gros conformément à ses prévisions. La croissance aura cependant été plus faible qu'anticipée au printemps, ce qui l'amène à réduire de 2,9% à 2,8% sa prévision d'expansion pour cette année. Elle maintient sa prévision de 2,6% et de 2,1% pour 2012 et 2013.

Le chiffre de 2013 est cependant théorique. Il correspond à la croissance potentielle de l'économie canadienne estimée par la Banque dans un contexte d'inflation à la cible. Ce taux est révisé chaque année en octobre.

La Banque anticipe une accélération de la croissance au second semestre en raison notamment d'une progression plus ferme des dépenses des ménages. Elle devrait compenser la faiblesse des exportations nettes, entravées par la mollesse de la croissance américaine, la force du huard et l'insuffisance des gains de productivité.