Des réclamations farfelues. Des fraudes non punies. Une industrie de consultants qui, en échange d'une aide aux entreprises pour remplir leurs réclamations, accaparent de larges parts de l'argent public destiné à l'innovation.

Récemment, le quotidien The Globe and Mail a dressé un sombre portrait du programme RS&DE et des abus auquel il donne lieu. À divers degrés, plusieurs intervenants interrogés par La Presse Affaires ont aussi témoigné

de problèmes similaires.

Yves Hamelin est l'un de ces consultants qui aident les entreprises à remplir leurs réclamations en échange d'un pourcentage des sommes obtenues des gouvernements. Il se défend de surfer sur l'argent public en arguant que plusieurs entreprises ne feraient pas de réclamation si des firmes comme la sienne n'existaient pas pour les aider.

Mais du même souffle, il affirme que son rôle ne serait pas nécessaire... si l'Agence du revenu du Canada faisait son travail.

«Revenu Canada n'a jamais fait de formation pour son programme. Savoir comment bâtir un projet de recherche, comment le documenter, comment s'assurer qu'il est conforme au programme... personne ne fait ça à l'Agence», dit-il.

Est-il normal qu'une entreprise ait besoin d'un consultant pour présenter une demande pour un programme qui existe depuis 1992?

«Je ne parle peut-être pas pour ma boîte en disant ça, mais non, ce n'est pas normal», répond M. Hamelin.

Selon lui, l'Agence du revenu du Canada est aussi inégale dans la sévérité avec laquelle elle examine les demandes, ce qui complique le travail des entreprises.

«On est passé d'un cycle excessivement sévère au début du programme à une approche beaucoup plus ouverte à partir de 1998. Puis, en 2002-2003, on est revenu à un cycle de fermeture. Encore une fois, ça favorise les consultants, parce que ceux-ci sont là-dedans à temps plein et connaissent les variations d'humeur de Revenu Canada.»

Il admet que son industrie n'est pas non plus blanche comme neige. «Il y a eu des abus qui ont été commis au cours des dernières années par des boîtes similaires à la nôtre, c'est bien certain», concède-t-il, évoquant des frais trop élevés et des réclamations non fondées.

M. Hamelin incite toutefois à résister à la tentation d'abolir un programme à cause des abus qu'il génère. Une stratégie de soutien à la recherche, dit-il, peut être à la fois bien conçue... mais mal gérée.

C'est aussi l'avis de Jean-Louis Legault, de l'ADRIQ.

«Le programme actuel est perfectible, mais il faut faire très attention de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous croyons qu'il faut éviter de poser des gestes trop brusques.»