La menace de grève qui plane sur Postes Canada apporte de l'eau au moulin de ceux qui souhaitent privatiser la société fédérale.

Des chercheurs de l'Institut économique de Montréal soutiennent que l'abolition du monopole d'État dans l'industrie de la poste permettra d'éviter les maux de tête liés aux conflits de travail, tout en faisant baisser le coût des timbres.

«Le gros problème d'une grève dans un service public, à l'heure actuelle, c'est qu'il s'agit d'un monopole et qu'il n'y a pas de solution de rechange, résume Youri Chassin, l'un des auteurs de la recherche. Quand le service public est en grève, il n'y a pas d'autre fournisseur de service. Dans l'industrie de la location de voitures, si Avis tombe en grève, ses clients peuvent toujours aller chez Budget.»

Postes Canada a déployé de grands efforts pour améliorer sa productivité au cours des dernières années, concède M. Chassin. Malgré tout, l'entreprise doit composer avec un taux d'absentéisme de 60% plus élevé que dans le reste du secteur manufacturier.

Et elle doit investir des milliards pour maintenir ses infrastructures vieillissantes, notamment ses centres de tri postal.

Comme elle n'a pas à se frotter à la concurrence, Postes Canada n'est pas pénalisée si elle augmente ses tarifs, estime M. Chassin. Le prix des timbres va ainsi grimper de 54 cents en 2009 à 65 cents en 2014, une augmentation de 20%.

«La partie qui n'est pas assise à la table, c'est le consommateur, dit M. Chassin. Dans le cas d'un monopole, c'est assez facile de s'entendre avec un syndicat, d'accorder certaines augmentations aux travailleurs. Le syndicat y gagne parce que c'est mieux pour ses membres. Mais en fin de compte, c'est le consommateur qui paye parce qu'il est prisonnier.»

Baisses de tarifs en Europe

Des pays européens ont déjà commencé à mettre fin aux monopoles d'État sur la livraison des postes. La mesure s'est soldée par une baisse de 17% du prix des timbres en Allemagne, de 15% aux Pays-Bas et de 11% en Autriche.

Si Postes Canada était cédée à des investisseurs privés, les actionnaires augmenteraient la pression sur la direction pour qu'elle rentabilise les activités de l'entreprise.

Et si d'autres acteurs venaient à offrir des services concurrents - par exemple FedEx et UPS, qui ne peuvent livrer que des colis de plus de 500 grammes - elle devrait trouver d'autres méthodes que les augmentations de tarifs pour atteindre ses objectifs.

«Cette concurrence est déjà présente dans le marché des colis ou des lettres de plus de 500 grammes, indique M. Chassin. Donc ça existe, ces entreprises ont déjà des infrastructures, et elles seraient prêtes à mettre en place des services supplémentaires pour un éventuel marché des postes libéralisé.»