Les Maritimes se divisent en deux: d'un côté, Terre-Neuve-et-Labrador avec ses richesses naturelles et, de l'autre, les trois autres provinces. La plus jeune des provinces canadiennes est devenue riche. Son PIB par habitant y est plus élevé qu'au Québec. Avec le déclin appréhendé de ses réserves de pétrole en mer à compter de 2012, sa croissance future passe par le développement hydroélectrique du Bas-Churchill.

«L'enjeu économique numéro un de la province est le développement du Bas-Churchill aux chutes Muskrat», dit Edward Hearn, avocat de Labrador City, près de Fermont, où il demeure depuis 1974. Il est un ancien administrateur de Newfoundland and Labrador Hydro (maintenant Nalcor Energy).

Le 30 mars, le premier ministre Stephen Harper a annoncé qu'un gouvernement conservateur allait fournir une garantie de prêt pouvant atteindre 4,2 milliards pour aider au financement de la phase 1 du méga chantier hydroélectrique. Jean Charest a dénoncé cette concurrence déloyale faite à Hydro-Québec. La garantie de prêt permettra à la province de bénéficier de taux d'intérêt plus faibles pour financer le projet. Le président de Nalcor a parlé d'une économie de 2%, soit environ 125 millions. Le chef libéral, Michael Ignatieff, s'est engagé dans le même sens peu de temps après.

La phase 1 du Bas-Churchill d'une valeur de 6,2 milliards, consiste en la construction d'une centrale aux chutes Muskrat de 824 mégawatts, l'installation d'une ligne de transport sous marine pour amener l'électricité à Terre-Neuve et d'un second lien sous-marin afin de rejoindre le continent. Les lignes de transmission seront financées en partie par Emera, la société d'électricité de la Nouvelle-Écosse. Le projet doit commencer cette année et durer six ans. Sa réalisation entraînera la création de 9100 emplois directs en Atlantique, principalement, à Terre-Neuve-et-Labrador, d'après Nalcor.

«L'annonce du premier ministre Harper a eu plus d'effet sur l'île qu'ici», fait remarquer M. Hearn, lui-même assez critique au sujet de la viabilité économique du projet. Labrador connaît déjà la prospérité avec ses activités minières. Les expéditions ont bondi de 73% en 2010, rapporte le ministère des Ressources naturelles, principalement du minerai de fer et du nickel, à Voisey's Bay. Labrador Iron Mines, autour de Schefferville, doit commencer ses activités ce printemps.

Ailleurs au Labrador, la collectivité de Happy Valley-Goose Bay voudrait assurer l'avenir de sa base aérienne. Un investissement de 128 millions$ est requis à cette fin, selon des documents de la Défense nationale datant de 2009 qu'a obtenu avant le début de la campagne le réseau de télé CBC.

Outil de négociation

La circonscription électorale de Labrador est un château fort libéral, M. Hearn s'attend au statu quo le 2 mai prochain. De son côté, l'île dispose de six circonscriptions, cinq aux libéraux et un aux néo-démocrates. Le premier ministre provincial d'alors Dany Williams avait fait campagne avec succès contre les conservateurs aux élections de 2008.

La donne pourrait changer, croit Dave Campbell, un consultant en développement économique, qui demeure à Moncton, au Nouveau-Brunswick. «À Terre-Neuve, cette annonce (de M. Harper) va jouer en faveur des conservateurs le jour des élections. Je crois qu'ils feront de deux à trois gains à Terre-Neuve, peut-être deux autres ailleurs dans les Maritimes», soutient-il.

Celui qui signe une chronique dans le Telegraph Journal, de Saint John, continue de penser que la phase 1 du Bas-Churchill finira par servir d'outil de négociation au profit du gouvernement de Terre-Neuve dans ses relations avec Hydro-Québec. «L'aménagement d'un câble souterrain entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse augmente de beaucoup le coût du projet. L'électricité reviendrait moins cher si elle transitait par le Québec», dit l'économiste qui a appuyé la prise de contrôle d'Énergie Nouveau-Brunswick par Hydro-Québec, un projet qui a achoppé comme on sait.

ENJEUX ÉNERGÉTIQUES

Île-du-Prince-Édouard: 3e cable sous-marin

Nouveau-Brunswick: Facture des dépassements de coûts à la centrale de Pointe Lepreau

Terre-Neuve-et-Labrador et Nouvelle-Écosse : Garantie financière du projet du Bas-Churchill qui desservira T-.N. et la N.-É.