Le Canada dépense plus pour la défense que jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le budget de la Défense nationale, évalué à 22,3 milliards de dollars en 2010-2011, a augmenté de 8,4 milliards par rapport à son creux de 1998-1999.

Le gros des ressources militaires est consacré à l'effort de guerre en Afghanistan au point où il ne reste pratiquement plus personne pour participer aux opérations de Casques bleus de l'Organisation des Nations unies, auparavant un objet de fierté au pays.

Dans un rapport du Centre canadien de politiques alternatives publié hier, le chercheur Bill Robinson évalue à 30 milliards le coût des dépenses additionnelles à la Défense nationale depuis l'attaque terroriste du 11 septembre 2001. La moitié de cette somme a servi à financer la guerre en Afghanistan, soit entre 13 et 16 milliards. Toutes les données de l'étude sont exprimées en dollars de 2010 pour tenir compte de l'inflation.

Le Canada se situe au 13e rang des pays quant à l'importance des sommes consacrées aux dépenses militaires. Le pays investit 1,5% de son produit intérieur brut (PIB) dans la chose militaire. C'est moins que les États-Unis, qui dépensent l'équivalent de 4% de leur PIB, mais c'est légèrement plus que les 20 membres les plus riches de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (à l'exception des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU), qui y consentent l'équivalent de 1,43% de leur PIB.

Par ailleurs, l'étude tend à démontrer que les dépenses militaires canadiennes fluctuent dans les mêmes proportions au Canada que chez nos voisins du Sud au fil des ans, à l'exception de la période couvrant la guerre du Vietnam à laquelle le Canada n'a pas participé.

En fait, les deux pays voisins dépensent maintenant plus pour la défense que pendant les années de la guerre froide (de 1947 à 1989).

«N'eût été la participation canadienne à la guerre en Afghanistan, nous aurions sans doute assisté à une divergence comme celle constatée pendant la guerre du Vietnam», précise le chercheur.

Dans son budget 2010, le gouvernement conservateur a annoncé vouloir contrôler l'inflation dans ses dépenses militaires dès 2012-2013. Malgré tout, le budget de la défense gonflera de 90 à 110 milliards au total pendant 20 ans (toujours en dollars de 2010), avertit M. Robinson. De cette somme, environ 85 milliards, écrit M. Robinson, iront fort probablement à l'achat de matériel militaire comme des bâtiments de guerre, des blindés et les avions de chasse F-35.

Extinction des Casques bleus canadiens

Toutes ces ressources humaines et logistiques consacrées à l'Afghanistan ont eu pour effet de réduire la contribution canadienne, autre que monétaire, aux Casques bleus. En décembre 2010, on dénombrait 84 316 Casques bleus répartis entre 15 missions de maintien de la paix. La participation canadienne s'élevait à 56 militaires, soit moins que le Yémen (73) ou le Salvador (64). Le Rwanda y déploie un contingent presque 63 fois plus important que le Canada avec 3512 soldats.

«L'exemple du Rwanda met en évidence que le fardeau des opérations de maintien de la paix de l'ONU a été transféré des pays riches aux pays pauvres, dont l'effectif militaire est souvent moins entraîné et équipé pour accomplir le travail», écrit Bill Robinson.

Appelé à commenter les constats du CCPA, David Morin, professeur à l'école de politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, souligne que le pays a dépêché 150 policiers en Haïti dans le cadre d'une opération du maintien de la paix et que le Canada continue de contribuer financièrement au budget des Casques bleus. «Depuis les échecs des missions de paix en Somalie, en Bosnie-Herzégovine et au Rwanda, les pays du Nord, comme la France, la Belgique et le Canada, se sont retirés des opérations onusiennes pour concentrer leurs efforts sur les missions de paix d'organisations régionales comme l'OTAN», explique-t-il.