La balance commerciale canadienne s'est solidement redressée en décembre en bonne partie grâce à l'appétit des États-Unis et de la Chine pour les biens énergétiques et industriels.

Pour la première fois en 10 mois, le commerce international de marchandises a dégagé un excédent, et tout un : trois milliards, ou plus précisément 2,999 milliards, a indiqué hier Statistique Canada. Il s'agit du surplus le plus important depuis octobre 2008, quand l'économie mondiale était au seuil de la récession.

Il n'aura pas été suffisant cependant pour réparer les dégâts des mois antérieurs. Pour la deuxième année d'affilée, le solde des échanges commerciaux accusait un déficit. À 7,2 milliards, c'est le plus important à ce jour. Les données de fin d'année permettent d'espérer que cette situation ne se répétera pas cette année.

Un bond spectaculaire de 3,3 milliards (9,7%) des exportations, le plus fort en 30 ans, explique ce revirement inattendu, mais bienvenu.

Même si les expéditions à l'étranger ont augmenté dans la plupart des segments, la hausse était concentrée dans l'énergie (1,7 milliard) et les biens industriels (0,8 milliard). Les livraisons de ces derniers, qui regroupent surtout les métaux industriels et précieux, ont atteint un nouveau sommet de 10,3 milliards. Depuis un an, elles ont augmenté de 51,9%, propulsées par l'or, le cuivre et le nickel.

À elles seules, les livraisons de brut ont bondi de 24,1%. Cela explique en bonne partie l'augmentation de 2,1 milliards de notre surplus avec les États-Unis qui a atteint 5,1 milliards.

Le Canada a aussi livré du pétrole à la Chine, grande acheteuse également de métaux et de pâte de bois.

«Les exportateurs canadiens semblent cueillir les fruits à la fois du retournement de dépenses américaines et de la poussée des prix des biens de base, observe Douglas Porter, économiste en chef délégué chez BMO Marchés des capitaux. Le rebond récent du commerce suggère aussi que l'économie canadienne peut composer avec une monnaie à parité, tant que la reprise américaine se poursuit.»

Les livraisons de machine et équipement ont aussi augmenté d'un demi-milliard (en bonne partie des aéronefs), les produits forestiers de 277 millions tandis que les produits de l'automobile ont stagné et que les autres biens de consommation ont légèrement reculé.

Cela dit, les exportateurs ont encore des défis à relever, souligne Diana Petramala, économiste chez TD. Les manufacturiers canadiens éprouvent de la difficulté à rester compétitifs. «La part canadienne dans les exportations mondiales a été coupée en deux en 10 ans.»

La productivité est certes en cause, mais c'est surtout la force du huard qu'il faut pointer du doigt. Hier, le huard s'est encore apprécié contre toutes les autres grandes monnaies.

«En dehors de nos matières premières, nous ne sommes plus en mesure de tirer notre épingle du jeu dans nos exportations», déplore François Barrière, vice-président à la Banque Laurentienne.

Ce constat a son corollaire. Plus les ressources naturelles pèsent dans la composition d'une économie provinciale et plus celle-ci est en mesure de tirer partie de l'appétit international pour ce type de produits. Le Québec et l'Ontario ne sont pas les gagnants de cette nouvelle donne, à plus forte raison quand ils doivent importer pétrole et gaz naturel.

Pour s'en convaincre, la composition du déficit commercial américain est très éloquente. Il s'est élargi pour un deuxième mois d'affilée à 40,6 milliards, en décembre, son niveau le plus élevé en deux ans. Si on exclut les produits pétroliers cependant, il passe de 18,3 à 15,3 milliards.

Les exportations sont en hausse de 1,8%, mais les importations hors pétrole avancent de 0,3% seulement.

Cela dit, à l'échelle canadienne, le redressement de la balance commerciale est un très bon augure de ce qu'aura été la croissance réelle au dernier trimestre de 2010.

Exprimées en dollars constants, les volumes des exportations ont progressé beaucoup plus vite que ceux des importations en décembre: 8,1% contre 1,6% ce qui a fait fondre le déficit de deux milliards, exprimés en dollars de 2002.

«Avec les données d'hier, nous attendons une contribution quasi-record du commerce à la croissance économique», affirme Marc Pinsonneault, économiste principale à la Banque Nationale.

Plusieurs institutions financières ont révisé à la hausse légèrement leurs prévisions pour le quatrième trimestre de 2010 et pour celui en cours puisque décembre a donné un solide élan à 2011.

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