Le gouvernement canadien poursuit sa lutte contre le boycott européen des produits de la chasse au phoque et a annoncé, vendredi, avoir déposé un recours officiel à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Après avoir porté plainte auprès de l'organisation internationale en 2009, Ottawa demande maintenant à l'OMC de créer un comité qui se penchera sur la légalité d'un tel boycott, afin de trancher s'il respecte les règlements de l'organisation.

Selon le Canada, le boycott de l'Union européenne (UE) enfreint ses obligations internationales en matière de commerce.

La ministre des Pêches et Océans, Gail Shea, a réitéré, en point de presse au parlement, que le gouvernement conservateur avait bien l'intention de mener sa bataille jusqu'au bout. Car c'est une «question de principe», a-t-elle argué.

«Le boycott de l'Union européenne sur les produits du phoque est mal informé, comme nous l'avons souligné au cours de deux rondes de consultations avec leurs représentants. Cependant, le Parlement européen a choisi de se ranger du côté des lobbyistes de défense des droits des animaux et d'ignorer nos arguments, ne nous laissant d'autre choix que de poursuivre notre promesse d'engager une application formelle», a plaidé la ministre.

Le travail du comité pourrait prendre de 12 à 18 mois. Des représentants du gouvernement fédéral ont toutefois indiqué qu'il pourrait s'écouler plus de trois ans d'ici à ce que l'OMC prenne une décision et que l'UE y réponde, et ce, si le Canada réussit d'abord à convaincre le comité que le boycott enfreint les règles internationales.

La ministre Shea n'a pas été en mesure de préciser les coûts qui pourraient être engendrés pour mener cette contestation devant l'organisation internationale. Les avocats du ministère devront se rendre à Genève, en Suisse, a-t-elle reconnu, mais la ministre a martelé que ces frais de transport étaient «minimes par rapport au fait qu'il faille intervenir (...) pour protéger cette industrie canadienne légitime».

Le boycott des produits du phoque a été approuvé par les 27 États membres de l'Union européenne en 2009. Il est entré en vigueur au mois d'août dernier.

Le premier ministre Stephen Harper l'a lui aussi maintes fois dénoncé, le qualifiant de disgrâce, parce que, selon lui, il ne repose sur aucun fait «raisonnable».

Un discours repris par sa ministre, vendredi, qui a répété, comme chaque fois qu'elle se prononce pour dénoncer la position de l'UE, qu'il s'agissait d'une «décision politique non fondée sur des faits ou sur la science».

Le Canada, qui est le plus important chasseur de phoques à travers la planète, a exporté pour l'équivalent de 5,5 millions $ de produits dérivés du phoque vers les membres de l'UE en 2008, mais le marché s'est effrité depuis.

Si Ottawa et l'UE sont en pleine négociations afin de ratifier un traité de libre-échange, les deux parties se sont entendues pour que le différend sur les produits de la chasse aux phoques ne vienne pas mettre en péril ces pourparlers, a précisé la ministre Shea.

Le président de l'Association des chasseurs de phoques des Iles-de-la-Madeleine, Denis Longuépée, s'est réjouit de cette nouvelle étape entreprise par le gouvernement canadien, qui démontre ainsi qu'il appuie toujours cette industrie, selon lui.

«L'Union européenne ne devrait pas mettre des embargos mais plutôt laisser les gens décider s'ils achètent des produits du phoque ou non», a plaidé M. Longuépée, en arguant à son tour que la décision de l'UE n'était qu'«émotive».

L'organisation Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), qui mène sa propre requête juridique contre le boycott de l'UE depuis janvier 2010, a elle aussi salué l'annonce d'Ottawa. Le regroupement, qui représente une quinzaine d'organisations, estime à son tour que la position européenne est «immorale» et «illégale».

L'organisation s'attend d'ailleurs à ce que son procès puisse aller de l'avant dès le printemps.

Du côté de la branche canadienne de la Humane Society Internationale, la directrice Rebecca Aldworth a dénoncé la contestation du Canada, en la qualifiant de «geste insouciant qui contredit les valeurs canadiennes et européennes».

«La plupart des Canadiens veulent que le gouvernement cesse de dépenser l'argent des contribuables pour défendre cette industrie et qu'il fasse meilleur usage de cet argent, comme pour un programme de transition pour les chasseurs de phoques et une indemnité fédérale pour l'industrie commerciale de la chasse aux phoques», a-t-elle réclamé.