Le Bureau de la concurrence s'attaque aux frais qu'imposent Visa et MasterCard aux commerçants qui acceptent leurs cartes de crédit. Le Bureau vient de déposer une demande en ce sens auprès du Tribunal de la concurrence.

«Le comportement anticoncurrentiel de Visa et MasterCard nuit aussi bien aux entreprises qu'aux consommateurs», croit Melanie Aitken, commissaire de la concurrence.

Selon elle, les deux géants ont des règles «contraignantes et anticoncurrentielles»qui font en sorte que les commerçants canadiens doivent verser environ 5 milliards de dollars par année en frais cachés. Il faut savoir que Visa et MasterCard imposent aux commerçants des frais d'acceptation de 1,5% à 3% chaque fois qu'un client paie avec sa carte de crédit. Les frais sont encore plus élevés si le client est titulaire d'une carte privilège (Infite, Platine, Voyage, etc.) qui offre des récompenses plus généreuses.

Or, les politiques internes de Visa et MasterCard interdisent aux commerçants de surfacturer les clients qui utilisent une carte de crédit. Les commerçants ne peuvent pas non plus refuser les cartes qui engendrent des frais plus élevés.

Ces contraintes anticoncurrentielles forcent les commerçants à augmenter leurs prix de vente. Ils refilent ainsi les coûts des cartes de crédit à l'ensemble de leurs clients, y compris ceux qui utilisent un mode de paiement moins coûteux, comme l'argent comptant ou la carte de débit, constate le Bureau.

À titre de comparaison, le réseau Interac demande aux marchands des frais fixes d'environ 12 cents, peu importe le montant de la transaction par carte de débit. C'est 10 fois moins que les frais d'une carte de crédit qui peuvent atteindre 12$ sur une transaction de 400$. En février dernier, le Bureau de la concurrence a d'ailleurs empêché Interac de se transformer en organisme à but lucratif.

Mais les règles actuelles encouragent les consommateurs à utiliser leur carte de crédit. «On subventionne l'utilisation de la carte de crédit, alors qu'on se plaint que les gens l'utilisent trop», déplore Jean-Pierre Aubry, économiste fellow associé au CIRANO.

Au début de la semaine, Statistique Canada dévoilait justement que le taux d'endettement des Canadiens avait atteint un sommet: les dettes des ménages représentent 148% de leurs revenus disponibles.

«Comme consommateur, je ne vois pas pourquoi je paierais pour les Air Miles ou les privilèges accordés aux autres», ajoute M. Aubry. Selon lui, il faudrait accorder plus de latitude aux commerçants et offrir plus de transparence aux consommateurs.

Réglementer les frais

Visa et MasterCard sont déçus de la poursuite intentée par le Bureau de la concurrence. Ils expliquent que leur politique contre la surfacturation a pour but d'éviter que les consommateurs soient pénalisés par les détaillants, qui exigeraient des frais supplémentaires.

«En apportant les changements proposés par le Bureau de la concurrence, on enrichirait les commerçants aux frais des consommateurs», a avancé Betty DeVita, présidente de MasterCard Canada.

Mais, dans le commerce de détail, on se réjouit de la démarche du Bureau de la concurrence. «C'est une excellente nouvelle», a déclaré Pierre-Alexandre Blouin, porte-parole de l'Association des détaillants en alimentation du Québec et membre de la Coalition québécoise contre la hausse des frais sur les cartes de crédit et de débit.

«Il s'agit là d'une percée majeure, a dit Gaston Lafleur, président du Conseil québécois du commerce de détail. Cette décision vient reconnaître que les frais comptent parmi les plus élevés au monde.»

En effet, le Bureau de la concurrence a précisé que les frais d'acceptation des cartes de crédit au Canada sont deux fois plus élevés qu'en Europe, en Nouvelle-Zélande et en Australie.

De plus, le Bureau a souligné que bon nombre de pays ont déjà pris des mesures pour réduire les coûts que paient les commerçants, comme le réclament les commerçants canadiens depuis des lustres.

Un comité du Sénat a déjà formulé une proposition en ce sens. Mais Ottawa a plutôt opté pour un Code de conduite volontaire, qui est entré en vigueur en août dernier. Cependant, le Code n'a absolument rien changé, soutient M. Blouin.

La Coalition appuie maintenant le projet de loi S-201 qui mandaterait le Surintendant des institutions financières de contrôler les frais relatifs aux cartes de crédit.

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Les frais sur les cartes de crédit au Canada

> Au Canada, l'industrie des cartes de crédit permet le traitement de transactions totalisant 240 milliards de dollars par année.

> Visa et MasterCard traitent plus de 90% de toutes les opérations sur carte de crédit.

> Pour chaque transaction par carte de crédit, les commerçants canadiens doivent payer des frais de 1,5% à 3%.

> Les frais imposés aux commerçants sont encore plus élevés sur les cartes de crédit privilèges (Infinite, Platine, Voyage, etc.)

> Au Canada, les frais imposés aux commerçants sont deux fois plus élevés qu'en Europe, en Nouvelle-Zélande et Australie.

Source: Bureau de la concurrence