Si l'âge de la retraite en venait à être haussé, les Québécois et les Canadiens ne devraient pas recevoir le même électrochoc que les Français.

C'est qu'il y a un monde entre les régimes publics canadien ou québécois et les régimes européens, note Gilles Demers, qui préside la Commission nationale sur la participation au marché du travail des travailleurs expérimentés de 55 ans et plus mise en place par le dernier budget Bachand.

Comme l'indique M. Demers, nos régimes publics ont ceci de particulier «qu'ils sont accessibles à tout le monde. (Tous les travailleurs) y cotisent, mais cela représente une part limitée des revenus de retraite. À la retraite, on peut au maximum en tirer 25% de 47 000$. En parallèle, les gens cotisent à des régimes de retraite d'entreprises privées et les gens sont invités à prendre des REER. À l'inverse, en France, le régime est beaucoup plus généreux, ça peut aller jusqu'à 60 ou 70% du revenu». L'Europe et nous, ce sont deux mondes, résume M. Demers.

N'empêche, la Commission qu'il préside - qui donnera des recommandations au gouvernement en novembre 2011 - a notamment pour mandat de «documenter les tendances qui se dégagent, dans un échantillon représentatif de pays, à l'égard de l'âge facultatif et réglementaire de la retraite, de la contribution des travailleurs à leur fonds de pension et du financement public des régimes de retraite».

Or, si l'on regarde ailleurs, le Canada et le Québec apparaissent tout de même comme les derniers des Mohicans quant à l'âge de la retraite...

Si jamais on suivait la tendance, note M. Demers, il est sûr que tout cela se ferait de façon beaucoup moins violente qu'en France, où il y avait urgence, et irait plutôt dans le sens de pays qui ont procédé à ces hausses de façon très graduelle, sur 15 ans par exemple.

Au bureau de l'actuaire en chef du Canada, on estime qu' «avec une contribution de 9,9,%, les revenus du régime devraient augmenter rapidement au cours des 11 prochaines années, alors que les contributions dépasseront les dépenses. Les actifs continueront de croître pendant 75 ans. En conséquence, malgré la hausse substantielle des prestations versées à la population vieillissante, nous estimons que le régime sera à flot sur le long terme».

«Au Canada, le régime de pension du Canada est très bien financé et le taux de cotisation est même trop élevé. Au Québec, il faudrait plutôt que les cotisations passent de 9,9% à 10,5%», note pour sa part Michel St-Germain, actuaire chez Mercer.

Dan Richards, professeur à l'école Rotman de l'Université de Toronto, s'inquiète, pour sa part, de cette idée de rehausser l'âge de la retraite qui est dans l'air. «Pour chaque pilote (d'Air Canada) qui poursuit son employeur qui le pousse à la retraite, vient-il d'écrire dans le Globe and Mail, il y a quantité de Canadiens qui comptent plutôt les jours avant qu'ils ne soient libérés de leur travail stressant et de tout le trafic qu'ils doivent affronter quotidiennement.»

Sur la question de l'espérance de vie, M. Richards cite aussi Paul Krugman, Prix Nobel d'économie, qui a déjà fait remarquer, dans un texte au New York Times, que l'espérance de vie n'a pas augmenté de façon égale dans la population. «Depuis 1977, les hommes qui ont des revenus se situant dans la moitié supérieure ont vu leur espérance de vie augmenter de 6 ans, comparativement à seulement 1,3 an pour les travailleurs dont les revenus se situent dans la moitié inférieure.»

Et à la base, note M. Richards, peut-on facilement trouver un emploi ou rester au travail quand on vieillit? Les employeurs «manifestement généralement peu d'enthousiasme à les accommoder».

C'est tout cela qu'étudie présentement le comité d'experts mis sur pied par le ministre Bachand.

Pendant ce temps, à Ottawa, il est ressorti de travaux à la Chambre des communes que la ministre du Travail mène une «consultation auprès des Canadiens» quant à l'âge de la retraite. Il n'a pas été possible d'en savoir plus auprès du Ministère.