Plus de 6 milliards de dollars ; deux câbles sous-marins sur une distance de plus de 200 km ; une capacité de 800 mégawatts suffisante pour exporter vers les États-Unis... Terre-Neuve a procédé hier à l'annonce de la première phase de son projet hydroélectrique de Bas-Churchill, au Labrador.

Le premier ministre Dany Williams a qualifié ce premier pas d'historique et de nécessaire, en raison de ce qu'il a décrit comme une mainmise néfaste du Québec sur ce marché énergétique.

Les deux provinces nourrissent un différend quant à l'utilisation par Terre-Neuve des lignes québécoises à haute tension, à laquelle Hydro-Québec a refusé de consentir. L'annonce d'hier est une manière de contourner le Québec et sa décision que M. Williams qualifie d'injuste.

Le premier ministre Jean Charest a répliqué à son homologue en rappelant qu'il avait demandé à Ottawa de ne pas accorder le financement demandé par Terre-Neuve pour ce projet.

«Cela introduirait une concurrence déloyale dans le financement de chaque kilowattheure que Terre-Neuve enverrait à la Nouvelle-Écosse», a renchéri la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau.

À Ottawa, on a refusé hier de commenter cette demande de financement. « Notre gouvernement a créé la société d'État Partenariats public-privé Canada, une entité distincte du gouvernement du Canada, dont le but est de garantir les besoins en infrastructure du Canada. En tant que société d'État, PPP Canada agit de façon indépendante du gouvernement et les évaluations des demandes se font au mérite », s'est contenté de déclarer le ministre fédéral des Ressources naturelles, Christian Paradis.

«Bonne réputation»

L'entente dévoilée à Saint-Jean implique Nalcor, l'équivalent terre-neuvien d'Hydro-Québec et sa partenaire de Nouvelle-Écosse, Emera, société mère de Nova Scotia Power. Les deux entités se sont entendues pour partager les coûts à divers degré pour acheminer l'énergie du Labrador jusqu'à Terre-Neuve, puis de Terre-Neuve jusqu'à la Nouvelle-Écosse.

Au départ, le projet de Bas-Churchill devait exploiter deux centrales, Muskrat Falls et Gull Island, et générer plus de 3000 mégawatts. On a finalement opté pour une piste plus modeste, en ne bâtissant, dans un premier temps, que la première centrale.

Néanmoins, cette première phase qui devrait durer six ans et débuter dès l'an prochain sera suffisante pour rencontrer un marché immédiat, prévoit le gouvernement terre-neuvien. «La puissance et l'énergie générée à Muskrat Falls est supérieur à ce qui est requis par le marché domestique et les surplus présentent une occasion pour Nalcor pour exporter de l'énergie», a-t-on expliqué dans une note d'information.

Ainsi, après avoir fourni de l'électricité à Terre-Neuve et à une partie de la Nouvelle-Écosse, on prévoit en avoir suffisamment pour en transmettre vers le Nouveau-Brunswick et les États-Unis.

Le gouvernement Charest a dit ne pas s'inquiéter de cette nouvelle concurrence sur le marché de la Nouvelle-Angleterre. Le Québec s'y trouve depuis nombre d'années, a indiqué la ministre Normandeau, il a un contrat à long terme avec le Vermont et il vient de raffermir ses liens avec l'État de New York.

«Le marché de l'exportation est ouvert, la compétition favorise les consommateurs, mais le Québec a une bonne réputation et a déployé son marché depuis des années», a ajouté Nathalie Normandeau.

Hydro-Québec, qui est toujours en litige contre Terre-Neuve à la suite de sa décision de lui nier l'accès à ses infrastructures, a refusé de commenter l'annonce.