Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a légèrement entrebâillé la porte à l'idée de financer certains projets d'infrastructures qui ne seront pas terminés d'ici la date butoir du 31 mars 2011 dans le cadre du plan de relance économique du gouvernement fédéral.





Si ces projets sont «virtuellement terminés» à cette date, Ottawa se montrera «juste et raisonnable» et acceptera de financer sa part, a-t-il promis hier au cours d'une conférence de presse au port de Montréal.



Mais pas question de prolonger indéfiniment le plan d'aide fédéral de 48 milliards de dollars adopté en 2009 pour sortir le Canada de la récession, a prévenu le grand argentier du pays, de passage à Montréal hier pour dévoiler le sixième rapport d'étape sur le plan de relance.

«Nous avions annoncé notre intention de terminer le programme en mars 2011, ce n'est donc une surprise pour personne, a déclaré M. Flaherty. La plupart des projets devraient être terminés à temps.»

Les municipalités québécoises ont manifesté à plusieurs reprises leur inquiétude de voir des projets tomber faute de financement fédéral. À Montréal, le cas du chantier du 2-22, cet édifice culturel à l'angle de la rue Sainte-Catherine et du boulevard Saint-Laurent, a récemment fait les manchettes. Incapables de terminer les travaux avant le 31 mars, ses promoteurs pourraient perdre environ 1,5 million en subvention fédérale.

À l'instar de M. Flaherty, le ministre d'État pour l'Agence du développement économique du Canada, Denis Lebel, a refusé de s'engager à assumer le financement des projets retardés. «On va continuer de discuter avec le gouvernement du Québec, a-t-il assuré. On va continuer de traiter tous les dossiers de façon équitable.»

À Ottawa, les partis de l'opposition ont accusé le gouvernement Harper de faire fausse route en refusant de prolonger le programme de relance au moment où la reprise économique demeure fragile.

Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, a affirmé que plusieurs leaders municipaux lui ont fait valoir durant sa tournée estivale que le calendrier de mars 2011 «sera très difficile à respecter» pour diverses raisons, dont les conditions météorologiques et les délais d'approbation des projets. Au bout du compte, ces municipalités risquent d'avoir à payer une facture plus élevée si le gouvernement fédéral ne paie pas sa part advenant que les projets ne soient pas terminés à temps.

Le chef bloquiste, Gilles Duceppe, a affirmé que le tiers des projets au Québec risquent de ne pas être terminés avant l'échéancier du 31 mars 2011. Il a soutenu que le gouvernement fédéral a déjà mis de côté des sommes d'argent et que reporter la date butoir ne coûterait pas un cent de plus à Ottawa.

«En refusant de repousser la date butoir du 31 mars, le gouvernement pénalise le Québec au grand complet, alors qu'on est toujours en crise économique», a affirmé le chef bloquiste aux Communes.

En août, le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, avait affirmé dans un rapport que la date limite du 31 mars pourrait laisser de 25 à 50% des projets inachevés au pays, soit jusqu'à 1800 au total. Les municipalités seraient ainsi privées de plus de 500 millions d'argent du gouvernement fédéral si la date butoir n'est pas repoussée.

La Fédération québécoise des municipalités (FQM) a aussi dénoncé «l'entêtement» du gouvernement fédéral hier. «Il est inacceptable de pénaliser les municipalités québécoises, alors que la lenteur de Québec et d'Ottawa à signer les ententes administratives a fait en sorte qu'elles ont reçu beaucoup plus tardivement qu'ailleurs la confirmation du lancement des programmes gouvernementaux. Dans ce contexte, le gouvernement fédéral se doit de faire preuve de souplesse», a dit le président de la FQM, Bernard Généreux.

Par ailleurs, dans son sixième rapport d'étape sur le plan de relance, le ministre Flaherty a affirmé que quelque 23 000 projets dans tout Canada ont été financés jusqu'ici. Selon ses calculs, 97% de ces projets sont en réalisation ou terminés.

Techniquement, la récession est chose du passé puisque 430 000 emplois ont été créés depuis deux ans, soit plus que le nombre d'emplois perdus durant la crise. Le retour à l'équilibre budgétaire est prévu, pour sa part, vers 2014-2015, «alors que la plupart des pays industrialisés seront toujours en situation de déficit», a noté M. Flaherty.

Le défi, a-t-il précisé, consiste maintenant à «diminuer graduellement l'injection de fonds fédéraux» sans nuire à la reprise. À elles seules, les mesures d'Ottawa ont ajouté 1,5% à la croissance du produit intérieur brut (PIB) depuis juillet 2009.

Les libéraux se sont montrés peu impressionnés par la dernière publication du ministre des Finances. «Les conservateurs sont plus préoccupés par des affiches, des séances de photos et de faire de la publicité que de créer des emplois et de terminer les projets qu'ils ont commencés», a soutenu le critique libéral aux finances, Scott Brison.