Pour avoir remis plus de 60,7 millions de dollars en reçus frauduleux pour dons de charité, l'Association canadienne de crosse a perdu son statut auprès du fisc.

Dans un communiqué laconique, l'Agence canadienne du revenu (ACR) a annoncé hier ne plus reconnaître cette association comme «association canadienne enregistrée de sport amateur», qui lui permettait d'offrir un remboursement d'impôt à ses donateurs. Le hic, c'est que ce remboursement était trop beau pour être vrai: pour un don, par exemple, de 2400$, le contribuable pouvait espérer un remboursement d'impôt de 4820$ grâce à un mécanisme complexe. Essentiellement, le don était placé dans une fondation aux Bermudes qui s'engageait à redonner une partie du capital et des dividendes sur 20 ans à l'organisme de bienfaisance.

Comme plusieurs associations sportives canadiennes, celle de la crosse avait adhéré en 2003 à ce stratagème mis sur pied par ParkLane Financial Group, baptisé Donations for Canada. Ce programme a perdu en août 2009 le droit de remettre des reçus pour dons de charité. Un recours collectif de 50 millions de dollars a été intenté contre ParkLane en Ontario, en septembre 2008. Il a été impossible de joindre l'entreprise, dont le site internet privé est désormais réservé aux clients.

Selon l'information que La Presse a obtenue, ce stratagème permettait à l'Association canadienne de crosse de recevoir entre 150 000 et 200 000$ annuellement, sur un budget d'environ 2 millions. Quant à la Fédération de crosse du Québec, elle ne recevait «presque rien» dans le cadre de Donations for Canada, assure son directeur technique, Pierre Filion.

«Nos dons viennent de petits donateurs, à coups de 50 ou 100$, alors que ce programme-là est utilisé par des gens très riches, explique-t-il. Quand l'Association canadienne a reçu cette offre, elle avait entre 250 000 et 300 000$ de déficit. Des avocats ont donné leur aval, cela a fait le bonheur du conseil.» Il estime aujourd'hui que ces avis juridiques étaient vraisemblablement tendancieux. Les représentants du Québec et du Nouveau-Brunswick, note-t-il, avaient tout de même voté contre cette proposition à l'époque. Il défend malgré tout la bonne foi de ses collègues canadiens, «un conseil d'administration composé de bénévoles qui ont une seule passion: la crosse». Aucun représentant de l'Association canadienne de crosse n'a rappelé La Presse.

Depuis 2003, le fisc canadien est particulièrement à l'affût de ces méthodes dites de «planification fiscale agressive». En fait, on enquête systématiquement sur les reçus supérieurs aux dons. Près de 100 000 contribuables qui ont déclaré pour près de 3,5 milliards de dons ont ainsi été ciblés par le fisc.

«Il faut obtenir un reçu pour la somme qu'on donne, jamais plus», rappelle Caitlin Workman, porte-parole de l'ACR.

À lui seul, l'abri fiscal Donations for Canada représenterait près d'un demi-milliard en dons douteux. En une seule année, de décembre 2005 à décembre 2006, l'Agence du revenu estime que l'organisme a délivré des reçus pour 176 millions de dollars. Seulement 1% revenait aux associations qui y adhéraient - celles du baseball et du football amateur, notamment, qui ont également perdu leur statut depuis deux ans.

L'Association canadienne de crosse compte quelque 151 000 membres et «participants», dont 5000 au Québec, répartis dans une vingtaine d'équipes locales.