Endettés... et inconscients. Voilà comment les comptables généraux accrédités (CGA) du Canada dépeignent les Canadiens dans un rapport qui montre que l'endettement moyen fracasse des records au pays et atteint maintenant 2,5 fois son niveau de 1989.

Les récessions ont habituellement un effet calmant sur les ardeurs des consommateurs, qui réalisent que les temps durs peuvent survenir et tentent d'épargner pour se préparer aux prochains.

Or, cette fois, les Canadiens n'en ont rien fait. Résultat: au moment où les taux d'intérêt s'apprêtent à grimper, risquant de comprimer davantage les budgets de ceux qui doivent de l'argent aux autres, les ménages canadiens émergent de la récession avec un niveau d'endettement jugé «très troublant» par les comptables généraux accrédités.

«On s'était imaginé qu'avec la récession, les gens auraient fait preuve de modération. Mais on se rend compte que même si les faillites personnelles ont augmenté, les gens ont continué de s'endetter à un rythme qui s'est même accéléré», observe Rock Lefebvre, vice-président, recherche et normalisation, à l'Association des comptables généraux accrédités du Canada.

Le ratio entre les dettes des ménages (incluant les hypothèques) et leur revenu disponible (donc après impôt) atteint aujourd'hui 144% au Canada, le chiffre le plus élevé des 20 pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Collectivement, les dettes des Canadiens totalisent 1410 milliards de dollars, soit 41 740$ par personne - somme 2,5 fois plus élevée qu'en 1989.

Le crédit à bar ouvert

Les effets se font sentir dans les centres d'aide aux consommateurs, qui reçoivent de plus en plus de clients incapables de faire face à leurs obligations.

«On s'en rend bien compte dans notre pratique: les gens sont plus endettés et plus consommateurs que jamais. Ça n'a pas diminué avec la crise, ce qui fait qu'on se retrouve avec des situations qui sont souvent très difficiles», dit Bertrand Rainville, conseiller budgétaire au Centre d'intervention budgétaire et sociale de la Mauricie.

Le gros de la clientèle de M. Rainville est pourtant formé de salariés, et pas nécessairement au salaire minimum.

«Ça peut aller jusqu'à 120 000$. Je vous dirais que la moyenne, ici, ce sont des gens qui ont des revenus entre 60 000 et 80 000$.»

M. Rainville note que si le crédit se referme pour les gens à faible revenu ou ceux dont le dossier de crédit est entaché, les offres se multiplient pour les autres.

«Autant les gens qui sont rejetés par la machine sont exclus, autant c'est bar open pour les autres», résume l'intervenant.

M. Rainville note que de plus en plus de jeunes débarquent dans son bureau parce qu'ils succombent justement aux offres de cartes de crédit, marges de crédit et autres prêts personnels des institutions financières, alors qu'ils sont encore pris à la gorge par leurs prêts étudiants.

Grands risques

Les CGA se montrent particulièrement préoccupés de voir que 58% des Canadiens utilisent leur endettement avant tout pour payer leurs dépenses de tous les jours plutôt que pour investir dans le but d'acheter une propriété, par exemple.

Le pire à leurs yeux est que les Canadiens ne semblent pas réaliser les risques engendrés par leur mode de vie.

Près de 60% de ceux dont les dettes sont en hausse estiment que tout est sous contrôle et qu'ils peuvent même s'endetter davantage. La proportion atteint 92% parmi ceux dont les dettes sont stables ou en baisse.

De plus, 78% des Canadiens ne comptent pas modifier leurs habitudes d'épargne pour se faire ou se refaire un coussin de sécurité.

Les CGA estiment qu'une hausse de 2% des taux d'intérêt hypothécaires obligera les familles à revenu moyen ou élevé à réduire leurs «autres dépenses» de 9 à 11% en gardant constants les coûts liés au logement, aux impôts, à la nourriture et au transport.

EN CHIFFRES

41 740$

Dette moyenne de chaque Canadien en décembre 2009 une somme 2,5 supérieure à celle de 1989.

1er

Le Canada occupe le premier rang parmi 20 pays de l'OCDE en ce qui a trait au rapport dette-actifs financiers, avec un ratio de 144% à la fin 2009.

78%

Plus des trois quarts (78%) des répondants d'un sondage affirment qu'ils ne modifieront pas leurs habitudes d'épargne pour se refaire un «coussin « financier.