La zone euro, et pas seulement elle, paraît crouler sous sa dette publique au point où la rumeur d'une nouvelle crise de liquidités planétaire fait son chemin parmi les investisseurs.

Les investisseurs sont inquiets. Même si la Grèce a obtenu son plan de sauvetage, le Portugal, l'Italie, l'Irlande et l'Espagne (les cinq forment le quintette «PIIGS») qui paraissent aussi en difficulté, devront trouver d'ici la fin de l'année 588 milliards US pour refinancer leur dette. Et l'an prochain, il faudra ajouter le financement des déficits budgétaires en cours à pareille somme. Et en 2012, 2013... alouette!

 

Si la crise devait éclater, elle pourrait replonger l'Europe en récession et faire courir au Canada trois types de risques, selon Craig Alexander, économiste en chef adjoint chez Banque TD Groupe financier.

Le premier est d'ordre commercial et il est plutôt mineur. L'Europe achèterait moins. Pour l'instant, les exportations canadiennes dans l'ensemble de l'Union européenne et pas seulement dans les 16 qui partagent l'euro, représentent à peine 10% de nos expéditions à l'étranger.

Le deuxième concerne les pertes que subiraient nos institutions financières détentrices d'obligations souveraines en défaillance. Selon les données de la Banque des règlements internationaux, la dette souveraine européenne, ces jours-ci à risque et détenue par les institutions canadiennes, est «négligeable», estime M. Alexander. Du quintette PIIGS, le Portugal est premier emprunteur à hauteur de 471 millions. «C'est un bien petit chiffre quand on sait que les institutions canadiennes détiennent 758 milliards de créances souveraines.»

L'ensemble des créances européennes en mains canadiennes s'élève à 140 milliards et elles sont largement réparties. Le premier débiteur est le Royaume-Uni avec 68 milliards, suivi par la Belgique avec 3,5 milliards.

Le troisième risque est beaucoup plus sérieux, s'il devait se matérialiser. Une crise fiscale créerait beaucoup de volatilité sur les marchés obligataires. Si elle devait entraîner la chute d'une grande banque européenne, toutes les institutions avec qui elle fait affaire courraient un risque de contrepartie.

«Cela témoigne de la vulnérabilité du système financier mondialisé», note M. Alexander. Il signale que le Canada ne peut s'immuniser contre une telle situation, comme l'a montré la faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers en 2008.

Son collègue Éric Lascelles, stratège macroéconomique en chef, croit cependant que la faillite d'un géant européen du secteur bancaire est peu probable cette fois-ci.

La dette totale du Portugal, de l'Italie, de l'Espagne et de la Grèce s'élève à 2619 milliards d'euros. Cette jolie bagatelle est de taille à créer en principe un risque systémique.

En cas de défaut, fait-il toutefois remarquer, les créanciers pourraient espérer en recouvrer environ la moitié. Ces quelque 1300 milliards représentent à peine plus de la moitié des pertes subies par les banques lors de la dernière crise financière.

Cette fois-ci, les banques sont davantage capitalisées et leur risque n'est pas concentré sur un seul marché comme lors de la crise des subprimes américains. Les gouvernements et les banquiers centraux savent comment assurer la liquidité des marchés financiers. Il semble enfin y avoir consensus pour protéger les entités trop grosses pour défaillir (too big to fail).

Il note que l'ensemble de la dette européenne représente 66% de son PIB, contre 83% pour celle des États-Unis.

Il n'en demeure pas moins que, si la crise survenait, aucun pays ne pourrait y échapper: le loyer de l'argent augmenterait même pour le Canada, perçu comme un des meilleurs locataires.

En revanche, les capitaux devront se réfugier à un endroit où leur liquidité sera assurée. «Quelques investisseurs pourraient se tourner vers un pays relativement sûr comme le Canada, ajoute-t-il. Il n'en demeure pas moins que les États-Unis gardent leur statut de marché refuge ultime.»

En pareil cas, les prix des matières premières reculeraient, entraînant avec eux le dollar canadien.

M. Lascelles croit néanmoins que cette crise, si elle devait éclater, n'aura pas l'ampleur de la récente.