Le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, voit un gros nuage noir poindre à l'horizon qui pourrait provoquer une tempête économique mondiale et affecter la reprise économique au Canada: la crise financière en Grèce.

Il importe de trouver une solution rapidement à cette crise qui ébranle déjà la zone euro et les marchés financiers dans le monde avant qu'elle ne déborde dans d'autres pays, a affirmé hier M. Carney devant le comité bancaire du Sénat.

> Petit glossaire de la crise grecque

«Nous sommes confrontés à une situation très grave. C'est une situation cruciale pour l'économie mondiale et pas seulement pour l'économie de la Grèce ou des autres pays européens», a affirmé M. Carney durant son deuxième témoignage devant un comité du Parlement cette semaine.

«Même si le Canada a une des meilleures situations fiscales parmi le G20, sinon la meilleure, nous allons mieux nous tirer d'affaire que les autres, mais nous allons quand même en subir les conséquences avec la hausse des taux d'intérêt. Et cela va avoir un impact sur les investissements et la croissance au pays», a ajouté celui qui a eu l'honneur hier d'être choisi par le prestigieux magazine Time parmi les 100 personnes les plus influentes du monde.

M. Carney a affirmé qu'il ne croit pas que la situation grecque puisse dégénérer au point de provoquer une seconde récession, mais elle pourrait freiner la reprise. Car si les marchés répondent à la dette grecque en rehaussant les taux d'intérêt, cela aura un inévitablement un impact sur la croissance canadienne.

Les négociations se sont poursuivies hier entre la Grèce, les autorités européennes et le Fonds monétaire international (FMI) afin d'accélérer le déblocage d'une aide financière sur trois ans frisant les 120 milliards d'euros.

Le gouvernement grec a réussi à calmer les marchés financiers hier en s'engageant d'adopter des mesures d'austérité plus sévères quitte à provoquer l'ire des syndicats locaux.

Selon certaines dépêches, le gouvernement grec serait prêt à imposer des réductions dans les salaires du secteur public et à augmenter la taxe de vente, entre autres choses. Les autorités grecques devraient annoncer les mesures qu'elles envisagent pour se sortir de la crise d'ici lundi.

La Banque du Canada et le gouvernement canadien suivent d'ailleurs de très près l'évolution des pourparlers visant à sortir la Grèce de la crise. Cette question pourrait bien se retrouver en tête de liste de l'ordre du jour à l'occasion de la réunion des leaders des pays membres du G20 à Toronto à la fin de juin.

De passage à Gatineau, le premier ministre Stephen Harper a lui aussi évoqué la crise grecque à l'occasion d'un discours devant des gens d'affaires du G20, déclarant que la situation doit servir de leçon aux autres gouvernements. «La crise grecque nous rappelle que les emprunts gouvernementaux et la dette du gouvernement ne peuvent être illimités», a dit M. Harper.

La Grèce traîne une dette publique de quelque 300 milliards d'euros. L'an dernier, le gouvernement grec a accusé un déficit budgétaire représentant 13,6% du produit intérieur brut (PIB). La Grèce doit refinancer une émission obligataire de 8,5 milliards d'euros qui arrive à échéance le 19 mai. Athènes a encaissé une dégradation brutale de la note de sa dette à BB" par l'agence de notation Standard and Poor's cette semaine.

Selon le gouverneur Mark Carney, tous les pays industrialisés doivent mettre en oeuvre un plan pour revenir à l'équilibre budgétaire et réduire leur dette nationale. Il a noté que la récession mondiale a forcé les pays à s'endetter pour financer des plans de relance. Résultat: la dette par rapport au PIB dans les pays industrialisés est passée de 80% à 120% en quatre ans. La taille de cette dette est sans précédent en temps de paix, a-t-il souligné.

«Il y a un risque que cet endettement exerce une pression à la hausse sur les taux d'intérêt», ce qui aura de lourdes conséquences pour les entreprises et les ménages.

En poste depuis février 2008, M. Carney arrive donc au 21e rang la liste des personnes les plus influentes établie par le magazine Time. Cette liste comprend aussi les grands de ce monde comme le président Barack Obama et le directeur du FMI, Dominique Strass-Kahn.

«Les dirigeants de banques centrales ne sont souvent pas jeunes, beaux et charmants, mais Mark Carney est les trois - sans oublier qu'il est terriblement intelligent», affirme l'hebdomadaire dans sa dernière livraison.

Avec La Presse Canadienne