Le Canada aura été le moins frappé des pays du G7 par la récession de 2008-2009, tant par le recul de la production que par celui de l'emploi. Ce sont les deux critères retenus au pays pour cerner les retournements des cycles économiques.

La reprise est d'ailleurs déjà si bien enclenchée dans ces deux aspects de la vie socioéconomique que Statistique Canada statue que la récession aura duré trois trimestres seulement, comparativement à quatre pour celle de 1990-1991 et six pour celle de 1981-1982.

«La récession a été moins profonde et plus courte que dans les autres pays du G7, affirme Philip Cross, analyste économique en chef de l'agence fédérale dans une étude spéciale de L'Observateur économique canadien parue hier. Entre les troisièmes trimestres de 2008 et 2009, le produit intérieur brut (PIB) réel du Canada a chuté de 3,3%, comparativement à 3,7% aux États-Unis.»

La récente contraction économique a duré six trimestres au Royaume-Uni, cinq en Italie et quatre en Allemagne, en France, au Japon et aux États-Unis.

Dans ce dernier cas, le rebond du PIB aux troisième et quatrième trimestres de l'an dernier ne permet pas au National Bureau of Economic Research (NBER) de déclarer que l'économie américaine est bel et bien en reprise.

Le NBER ne le statuera que lorsque quatre conditions auront été réunies: augmentations du revenu net, des ventes réelles et de la production industrielle, toutes liées à la croissance du PIB, ainsi que de l'emploi.

Or, la récente décroissance économique a entraîné une chute de 6,1% du nombre d'emplois et le marché du travail est au mieux stabilisé. La dure récession de 1981-1982 avait entraîné un recul de 3,1% de l'emploi.

Au Canada, l'emploi a connu un recul de 1,8% durant la récession et le taux de chômage est monté à 8,7%. En mars, le niveau d'emploi n'était plus qu'à 1,4% de son sommet de juillet 2007 et le taux de chômage est redescendu à 8,0%.

La récession aura été moins grave au Canada en dépit de sa grande ouverture à l'économie mondialisée par l'entremise du commerce international et des marchés financiers. Pourquoi? «L'état des finances du Canada a constitué un facteur décisif au début de la récession», répond M. Cross.

Les finances publiques avaient été assainies et le Canada avait réduit considérablement la taille relative de sa dette.

On oublie parfois que, durant les années qui ont précédé la contraction, les entreprises étaient aussi parvenues à réduire à un creux historique le niveau de leur endettement. Cela explique peut-être que le nombre de faillites n'a pas augmenté, contrairement aux récessions précédentes. Durant la même période, le Canada a aussi engrangé d'importants surplus commerciaux, faisant gonfler le niveau d'épargne du pays à 14%, comparativement à moins de 4% aux États-Unis.

Le Canada a pu réduire son taux d'épargne jusqu'à 5% pour soutenir en partie ses dépenses quand la récession mondiale l'a finalement happé.

Cela a été d'autant plus facile que le crédit n'a pas tari de ce côté-ci de la frontière, en particulier le prêt hypothécaire.

La chute de la consommation au quatrième trimestre de 2008 est attribuable à l'effondrement des marchés boursiers qui a momentanément appauvri les ménages, selon M. Cross.

Reste que la récession a fait des dégâts, surtout dans la production manufacturière, bien que moins que durant les deux contractions précédentes. En revanche, le secteur primaire, l'énergie et les mines en particulier, s'est fortement retranché, alors qu'il avait continué de croître durant les deux contractions précédentes.

Dans la fabrication, deux segments surtout ont été frappés: l'automobile et la foresterie. M. Cross note cependant que leur déclin avait commencé bien avant.

Les chaînes d'assemblage de véhicules avaient produit 2,7 millions d'unités en 1999. En 2008, ce n'était plus que 2,1 millions; en 2009, 1,5 million, soit un creux de 30 ans. Alors qu'un véhicule sur deux était une voiture particulière en 1997, la proportion est passée à 98,5% en juin dernier.

Quant à la foresterie, elle a terminé la récession en chute de 36% de son sommet de 2005. La crise américaine de l'habitation et le passage progressif de l'imprimé au web expliquent ce déclin.