Le mentor politique de Stephen Harper, Tom Flanagan, propose une petite révolution dans les communautés autochtones: laisser les autochtones devenir propriétaires immobiliers et fonciers, au même titre que n'importe quel Canadien. Les partisans d'un régime de propriété individuelle en milieu autochtone se donnent un an pour tâter le pouls des principaux intéressés sur la question.

Actuellement, les autochtones peuvent être propriétaires de leur maison et ont accès à des conditions de financement particulières. Quant à leur terrain, il est soit propriété de la Couronne, soit propriété collective du conseil de bande. Dans Beyond the Indian Act: Restoring Aboriginal Property Rights, un livre lancé le mois dernier, Tom Flanagan propose de modifier la Loi sur les Indiens afin d'introduire un régime de propriété privée dans les communautés autochtones.

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«L'injection de capitaux privés permettra de résoudre une partie des problèmes de logement des autochtones. La Loi sur les Indiens rend la propriété d'une maison très difficile pour les autochtones. Il faut une dérogation du ministère fédéral des Affaires indiennes et elles sont délivrées en nombre très limité», dit Tom Flanagan, ancien organisateur politique et ancien chef de Stephen Harper, devenu professeur de sciences politiques à l'Université de Calgary.

Le politologue albertain estime que l'accès à la propriété privée améliorera la qualité de la démocratie autochtone. «Comme ils seront plus de propriétaires immobiliers, ils s'intéresseront davantage à la gouvernance de leur territoire», dit-il.

Tom Flanagan ne croit pas que l'accès à la propriété privée réglera tous les problèmes des communautés autochtones, mais il s'agirait selon lui d'un pas dans la bonne direction. «Les autochtones ont toutes sortes de comportements sociaux: l'alcoolisme, la drogue, la criminalité, dit-il. Ça ressemble à ma propre famille. Mon point de vue, c'est qu'ils sont humains comme tout le monde, sauf que nous vivons dans un régime de propriété privée qui permet à tout le monde d'améliorer son sort. Les autochtones, eux, n'ont pas cette option.»

Appui

La proposition de Tom Flanagan a reçu l'appui du leader autochtone Manny Jules, ancien chef de la nation autochtone de Kamloops et actuel président de la Commission de la fiscalité des Premières Nations. Manny Jules se donne un an pour aller chercher des appuis dans les diverses communautés autochtones du pays. S'ils sont suffisants, il demandera au Parlement du Canada de modifier la Loi sur les Indiens.

«En pratique, une proposition comme celle-là peut fonctionner seulement si c'est une demande de la communauté autochtone et si c'est facultatif, dit Tom Flanagan. Les communautés qui ont davantage d'expérience en affaires et qui sont prêtes, comme les communautés de la Colombie-Britannique, pourraient commencer dès maintenant. Les autres pourraient attendre. Tout le monde irait à son rythme.»

Le professeur de droit autochtone Ghislain Otis, lui, est sceptique. Selon lui, un régime de propriété individuelle en territoire autochtone devrait comprendre plusieurs balises. Notamment, la communauté devrait avoir un droit de premier rachat. «Il faut être très prudent, dit le professeur de l'Université d'Ottawa. L'histoire a démontré que, lorsqu'il y a un écart de développement entre les autochtones et la société majoritaire, le démantèlement des terres autochtones se fait à moyen terme au profit des non-autochtones. Comme tout le monde, les autochtones vivent parfois des périodes difficiles et ils vendent leurs terres à des non-autochtones pour des raisons d'argent.»

Ghislain Otis reconnaît que le fait d'empêcher les autochtones de devenir propriétaires immobiliers et fonciers a des effets pervers. «Il est difficile de financer des projets parce que les terres sont incessibles et insaisissables, dit-il. Aucune banque ne veut consentir une hypothèque sur ces terres. Les autochtones ont ainsi trouvé une autre façon de financer la construction de leurs maisons, au moyen d'un fonds collectif d'accès à la propriété. C'est la communauté qui prête l'argent.»

Selon André Le Dressay, directeur de la firme Fiscal Realities, qui signe le livre avec Tom Flanagan, les règles actuelles sont trop rigides: «Actuellement, c'est entre quatre et six fois plus long pour bâtir un projet immobilier chez les autochtones.»

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Beyond the Indian Act: Restoring Aboriginal Property Rights

Tom Flanagan, Christopher Alcantara et André Le Dressay, Éditions McGill-Queens, 224 pages.