S'agit-il d'une anomalie arithmétique ou d'une tendance?

Si vous jugez que la rapide progression du taux d'inflation au cours des trois derniers mois tournera court prochainement, alors pariez que la Banque du Canada n'aura aucune peine à tenir son engagement de maintenir son taux directeur au taux plancher de 0,25% jusqu'à la fin du printemps «sous réserve des perspectives concernant l'inflation».

Si vous êtes plutôt persuadé que la marche des prix ne s'arrêtera pas de sitôt, alors préparez-vous à une hausse prochaine du loyer de l'argent.

En janvier, l'indice des prix à la consommation (IPC) a progressé en rythme annuel de 1,9%, contre 1,3% en décembre, a indiqué hier Statistique Canada.

La hausse des prix a touché toutes les provinces. Au Québec, elle a atteint 2,1% le mois dernier.

L'indice de référence (IPCX) de la Banque du Canada vogue désormais à 2%, en hausse de cinq dixièmes par rapport à sa cadence de décembre. C'est en plein la cible visée par les autorités monétaires, qui prévoyaient que pareil rythme ne serait pas atteint avant l'été 2011.

Hausse à la pompe

Les prix de l'énergie, et de l'essence en particulier, sont grandement responsables de cette accélération du rythme d'inflation. En janvier 2009, les prix à la pompe avaient touché un creux à la suite de l'effondrement des cours du pétrole, tombé aux environs de 30$US le baril. Le mois dernier, le cours moyen était plutôt de 78$US.

Les prix à la pompe ont recommencé à grimper en février 2009, ce qui devrait ralentir l'IPC au cours des prochains mois.

«Le taux annuel d'inflation pourrait redescendre près de 1,4% en février, entamant ainsi une tendance à la baisse en raison des effets retardés de la récession», prédit Benoit P. Durocher, économiste principal de Desjardins.

L'économie est encore loin de tourner à pleine capacité. La force relative de notre monnaie crée des pressions à la baisse sur les prix des biens importés et sur l'ensemble des fabricants. L'IPC devrait ralentir sa marche dans pareil contexte.

La chose sera peut-être plus corsée en ce qui concerne l'IPCX, dont la composition exclut des variables volatiles comme l'essence et qui sert d'outil aux autorités pour mesurer les tendances de l'inflation.

Dans son récent scénario économique, la Banque prévoyait que l'IPC tout comme l'IPCX évolueraient au rythme annuel de 1,6% durant le premier trimestre et monteraient tout doucement pendant 18 mois.

Projections trop prudentes?

«Il y a un risque que ces projections soient trop prudentes, jugent Yanick Desnoyers et Marco Lettieri, économistes à la Financière Banque Nationale. Nous réitérons notre avis selon lequel la politique des taux d'intérêt proches de zéro semble trop accommodante au Canada.» Il faut compter de 12 à 18 mois pour qu'elle se transmette dans l'économie et soit garante du maintien de l'inflation à près de 2%.

Pour la première fois depuis juin 2007, les prix des véhicules automobiles se sont remis à grimper. Ils avaient diminué à la suite de l'appréciation du huard, qui avait touché la parité en septembre 2007, et de la crise de GM et de Chrysler, qui a entraîné des soldes en rafale.

En janvier, ils accusaient une hausse annuelle de 3,1% alors qu'ils reculaient encore de 3,3% en décembre. Les primes d'assurance auto sont aussi à la hausse.

Aux mois de décembre et janvier, les prix ont progressé dans les aliments, le logement, l'ameublement, les transports et la santé. Ils ont reculé dans l'habillement, les boissons alcoolisées et les loisirs. Les prix des biens ont avancé de 2,1% et ceux des services, de 1,8%.

«Il existait suffisamment de zones de pression sur les prix en janvier pour soulever quelques inquiétudes sur l'engagement conditionnel de la Banque, soutiennent Derek Holt et Karen Cordes, de Scotia Capitaux. Après tout, c'est une banque qui a assis sa crédibilité sur sa prédilection à surprendre.»