Le rétablissement convaincant de l'économie américaine reste le préalable à la navigation toutes voiles dehors de la goélette canadienne.

À n'en pas douter, la convalescence va bon train. Le consommateur reprend goût au magasinage tandis que les entreprises hésitent davantage à licencier qu'il y a un ou deux mois à peine.

Cela convainc les économistes de revoir leurs prévisions. Un sondage mené auprès d'eux par l'agence Bloomberg au début du mois donne désormais une prévision médiane de croissance de 3,0% cette année grâce à la forte lancée de l'automne. À ce rythme, les vents de proue sont faibles.

Mieux, le commerce extérieur se redresse. Pour le Canada, ce sont les importations américaines qui comptent, étant le deuxième fournisseur de la première économie du monde, après la Chine.

Elles ont gagné 43% sur une base annualisée durant l'été et l'automne dernier. Cela reflète à la fois la volonté des entreprises de refaire leurs stocks et celle des consommateurs de dépenser.

L'allant canadien sera d'autant animé.

L'amincissement de la taille de notre économie aura eu la même sévérité que celui de nos voisins. Le leur est toutefois responsable du nôtre. La récession n'était pas vraiment made in Canada.

Chez nous, le consommateur n'a jamais capitulé. La valeur de l'actif des ménages (immobilier et mobilier) n'a pas été plombée. Certes, les entreprises ont licencié, en particulier les productrices de biens. Mais le secteur des services qui assure les trois-quarts environ de l'économie est déjà en expansion.

La vitalité étonnante du marché de l'habitation, autant dans la maison neuve que dans la revente, est perçue par les Cassandre comme le présage d'une répétition de la crise américaine. Il y a bulle, clament-ils. Si tel est le cas, elle n'a pas l'amplitude américaine et pourrait bien se dégonfler d'elle-même plutôt que d'éclater.

C'est sans doute le pari présent d'Ottawa qui fait jusqu'ici la sourde oreille aux économistes des banques et aux signaux jaunes envoyés par la Banque du Canada dès l'automne.

Force est d'admettre qu'un concours de circonstances donne l'apparence d'une surchauffe. L'entrée en vigueur d'une taxe de vente harmonisée en Ontario et en Colombie-Britannique, voisine de notre TVQ, incite des devancements d'achat tandis que des taux hypothécaires historiquement bas convainquent plusieurs locataires à payer une première fois la taxe de bienvenue. En prime, les comparaisons sur une base annuelle se font à partir du creux de janvier et février 2009.

À la différence des États-Unis et des autres économies avancées, les finances publiques canadiennes sont moins délabrées, après le violent typhon de 2008-2009. En additionnant les déficits des provinces à celui d'Ottawa, on en arrive à l'équivalent de 6% du PIB. C'est moins que durant la période 1990-1995 et bien moins encore que les 10% et plus des États-Unis, du Royaume-Uni et de plusieurs pays qui partagent l'euro.

Les tensions au sein des 15 ont tonifié le billet vert depuis quelques semaines. Frappé au tout début, le huard résiste bien maintenant. Il s'apprécie même contre la plupart des autres devises, à commencer par l'euro contre lequel il a gagné quelque 5% cette année.

Cela va se poursuivre tant que les pays émergents vont continuer de consommer des produits de base que le Canada peut leur fournir.

Les manufacturiers exportateurs vont évidemment encaisser le coup. Mais à en croire l'augmentation de leurs livraisons au cours de cinq des six derniers mois, ce ne sera pas forcément la galère.