Selon Jim Flaherty, ministre fédéral des Finances, la Chine, qui dispose des plus grosses réserves de devises au monde (2300 milliards US), pourrait être tentée d'acheter des dollars canadiens pour protéger ses réserves contre la baisse du dollar américain.

«Ça ne me surprend pas que la Chine et la Russie veuillent réviser à la hausse leurs positions en dollars canadiens par rapport à ce qu'elles ont fait antérieurement», a dit M. Flaherty, 59 ans, au cours d'une entrevue dans ses bureaux à Ottawa. «Je m'attends à ce que des pays cherchent à investir dans des devises fiables», a-t-il ajouté.

Le dollar américain a perdu de la valeur par rapport à toutes les 16 devises les plus échangées, sauf une, cette année, ce qui n'a pas manqué de susciter de l'inquiétude dans les pays détenteurs de grandes réserves comme la Russie et la Chine, qui craignent pour leurs investissements libellés en devise américaine. Le mois dernier, la Russie a fait savoir qu'elle ajouterait des huards à ses réserves pour réduire sa dépendance à l'égard du dollar américain.

Pour sa part, la Banque du Canada a averti que la «vigueur persistante» du dollar canadien constituait un risque majeur pour l'économie du pays en agissant potentiellement comme un frein à la croissance économique. Le huard s'est apprécié de 15% cette année par rapport au dollar américain.

L'achat de dollars canadiens par la Chine cimenterait aussi des liens économiques plus forts entre les deux principaux partenaires commerciaux des États-Unis.

En mars dernier, le premier ministre chinois, Wen Jiabao, a précisé que son pays était «inquiet» quant à la sûreté de ses investissements dans les titres de dette américains, tandis que l'affaiblissement du dollar américain érode la valeur de ses réserves. Plus tôt ce mois-ci, l'organisme de réglementation de la devise en Chine a indiqué qu'il «améliorerait» l'utilisation de ses réserves de devises étrangères.

PetroChina, plus importante société pétrolière de Chine, a acheté cette année sa première participation dans les sables bitumineux canadiens en payant 1,9 milliard CAN pour 60% d'un projet géré par Athabasca Oil Sands Corp. De son côté, Teck Resources, de Vancouver, premier producteur de métaux de base au Canada, a vendu en juillet une participation de 17% au fonds de patrimoine souverain chinois au prix de 1,74 milliard CAN.

Cherchant à réduire la dépendance du Canada à l'égard des États-Unis, le premier ministre Stephen Harper s'est rendu en Chine plus tôt en décembre pour raffermir les liens avec la deuxième économie d'Asie, un client pour son pétrole, gaz naturel, uranium et autres produits de base.

«Nous savons que la Chine s'intéresse à certains domaines au Canada, que ce soit son marché obligataire ou ses sables bitumineux ou ses sociétés pétrolières», indique David Watt, stratège principal en matière de devises chez RBC Marchés des capitaux, à Toronto.

Selon M. Watt, une somme égale à 2% des réserves asiatiques se traduirait par un flux de devises d'environ 100 milliards au Canada. «Ce serait certainement un cadre positif pour la devise canadienne», ajoute-t-il.

Le huard atteindra la parité avec le dollar américain d'ici le milieu de 2010, prédit la Banque Scotia. Selon la prévision médiane de 38 analystes sondés par Bloomberg, le dollar canadien parviendra à 1,04$CAN au dollar américain au cours de cette période. Le huard s'est retrouvé à parité avec le dollar américain pour la dernière fois en juillet 2008.

Lorsqu'on lui a demandé si la progression du dollar canadien constituait un motif de préoccupation, M. Flaherty a répondu que le gouvernement s'inquiétait de fluctuations «soudaines» qui ne fournissent pas aux entreprises «suffisamment de temps pour s'ajuster».

Le huard s'est apprécié en partie parce que des investisseurs ont fait le pari que l'accélération de la reprise économique incitera la Banque du Canada à hausser les taux d'intérêt plus tôt qu'aux États-Unis. Le Canada peut aussi compter sur la plus grosse réserve de pétrole hors du Proche-Orient et c'est un grand exportateur d'autres produits de base comme l'or. Un indice de prix des produits de base canadiens compilé par la Banque du Canada a bondi de plus de 20% cette année.

Le Canada présente aussi le plus faible niveau d'endettement parmi les pays qui forment le Groupe des sept, ce qui fait de sa devise un investissement relativement plus sûr, a soutenu M. Flaherty au cours de l'entrevue.