Le gouvernement de Stephen Harper franchit une nouvelle étape dans son projet contesté d'imposer une commission des valeurs mobilières unique en demandant à la Cour suprême du Canada de se pencher sur la constitutionnalité de ce dossier.

Cette affaire risque de créer d'importants remous à Québec, car la province s'est constamment opposée à la création d'une commission des valeurs mobilières pancanadienne.

Comme le fait souvent le gouvernement conservateur quand il manipule un dossier chaud, le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a diffusé un très bref communiqué en fin de journée vendredi annonçant son intention de s'adresser au plus haut tribunal du pays. Le bureau du ministre Nicholson n'a pas retourné les appels de La Presse Canadienne.

La question exacte sera de savoir «si le législateur fédéral a le pouvoir constitutionnel d'adopter et de mettre en oeuvre un régime fédéral de réglementation des valeurs mobilières».

Catherine Poulin, l'attachée de presse du ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, a indiqué à La Presse Canadienne que cette initiative ne changeait en rien la position québécoise de s'opposer à la centralisation de la réglementation financière.

«On estime que c'est un champ de compétence provincial», a-t-elle souligné lors d'un entretien téléphonique.

Pour le gouvernement provincial de Jean Charest, rien ne prouve qu'une commission pancanadienne atténuerait les risques de fraude, comme le croient les conservateurs.

«Ce n'est pas parce qu'il y a une commission unique, par exemple aux États-Unis, qu'il n'y a pas eu de méga-fraudes», a rappelé Mme Poulin.

Dans son communiqué, M. Nicholson avance de son côté qu'il ne fait pas de doute pour le gouvernement de Stephen Harper que le fédéral a le pouvoir de légiférer en la matière.

«Bon nombre des principaux experts constitutionnels du Canada soutiennent cette opinion», avance le ministre dans son communiqué.

«Toutefois, pour en obtenir la certitude, nous solliciterons l'avis de la Cour suprême, ce qui explique notre démarche», conclut-il.

Jeudi, le gouvernement fédéral avait en outre annoncé la nomination des membres du «Comité consultatif du Bureau de transition» vers une commission unique. Le Québec et l'Alberta, les deux provinces les plus réfractaires à une centralisation de la réglementation, n'en font pas partie. Le ministre Bachand avait alors déploré que le fédéral continue d'aller de l'avant avec ce projet «qui empiète sur les responsabilités des provinces».

Le gouvernement de Stephen Harper a souvent tenté de rassurer le Québec au sujet de la commission des valeurs mobilières commune, en affirmant que l'adhésion se ferait sur une base volontaire pour chaque province.

Les détracteurs d'une telle commission croient qu'il ne s'agit là que d'un premier pas et que les provinces pourraient par la suite être contraintes d'y adhérer.

Le Bloc québécois, pour sa part, déplore que le secteur financier pourrait délaisser Montréal au profit de Toronto si une telle commission venait à être imposée.

En janvier, un panel d'experts mandaté par le gouvernement fédéral avait conclu dans un rapport qu'il était souhaitable que soit créée une commission pancanadienne en remplacement des organismes provinciaux et territoriaux.

Dans un mémoire à l'intention du panel, l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait pour sa part qualifié «d'inutile» toute centralisation et plutôt prétendu que la présence d'organismes de réglementation dans les 13 provinces et territoires favorisait le dépistage de fraudes.